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Destin Nomade

Ruben Pellejero (Dessinateur, Coloriste), Jorge Zentner (Scénariste), Anne-Marie Ruiz (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/04/02  -  BD
ISBN : 2203389958
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charlotte   - le 27/09/2018

Destin Nomade

Les deux auteurs de cet album dépaysant viennent du monde hispanophone. Jorge Zentner est né en 1953 en Argentine où il exerçait le métier de journaliste. En 1977, il fuit la junte militaire et s'établit en Israël, puis en Espagne et enfin dans le Sud de la France. Il commence par écrire des romans destinés au jeune public et ne se lance qu'après dans le scénario de bande dessinée, peut-être est-ce grâce à ce passage par le roman que l'on a l'impression, à la lecture de ses ouvrages, que les mots qu'il emploie sont réellement choisis et qu'ils font sens, à l'exemple des titres en forme d'oxymore de la trilogie Replay (tome 3 : La Fin et le Début, Casterman, 2002), qu'il signe avec David Sala et qu'ils viennent d'achever. En 1981, Zentner rencontre Ruben Pellejero qui sera son plus fidèle collaborateur. Pellejero est dessinateur professionnel depuis 1970, mais ce n'est qu'en 1982 qu'il se lance dans la BD avec Historias de Barcelona parue dans la revue Cairo. La collaboration des deux auteurs débute avec la série Mémorias de Monsieur Griffon. Puis suivront des albums aux tons différents tels que Le Captif (Casterman, mai 2002), Le Silence de Malka (Casterman, 1996), qui a obtenu l'Alph'art du meilleur album étranger à Angoulême en 1997 et le Prix Œcuménique, Tabou (Casterman, 1999) et Blues et autres récits en couleurs (Casterman, 1999), magnifique recueil de cinq nouvelles. A chaque nouvel album, Pellejero est capable d'adapter son dessin pour servir au mieux l'histoire que lui propose son scénariste, et c'est ce qu'il révèle une nouvelle fois avec force dans Âromm.

Une femme, deux hommes...

Sétaq et Talïz convoitent tous les deux Gida qu'ils poursuivent dans la steppe mongole. Le seul à pouvoir trancher est Honnoh, sorte de chaman messager des dieux de la steppe. Après avoir accompli le rituel, les deux hommes connaissent la décision des dieux, le plus âgé, Talïz, aura Gida, à condition qu'il renonce au commandement des Dix Tribus qui serviront désormais Sétaq. Dix ans plus tard, les esprits se manifestent pour rappeler à Talïz sa dette. Son fils Âromm, issu de son union avec Gida, doit aller faire son apprentissage auprès de Sétaq devenu un chef cruel et sadique.

Mise en place

Ce premier tome plante le décor d'une série qui s'annonce riche en rebondissements. Le dessin de Pellejero est grandiose, il colle parfaitement au scénario. En effet, Zentner offre une bande dessinée que l'on devine épique, une fresque aussi vaste que les steppes arides de l'Asie centrale, et Pellejero retranscrit cela dans son dessin en mettant en scène des cases immenses, presque disproportionnées, dans lesquelles les personnages ont des contours et des reliefs très appuyés faits avec des coups de crayon gras. Ce parti pris dans le dessin qui pourrait paraître maladroit révèle au contraire une puissance évocatrice manifeste. On ressent le souffle mythologique qui balaye ces contrées méconnues. Là-bas, les hommes sont charpentés et puissants tels des rocs mais ils ne sont que le jouet des Esprits de la steppe. Et à la manière des tragédies classiques, c'est sur l'enfant que retombe la faute du Père et à qui il incombe de payer une dette qui n'est pas la sienne. On suit donc la quête initiatique du jeune Âromm marqué par le Destin.

Le drame est d'emblée perceptible à cause de l'amitié qui le lie au fils de Sétaq, Nilb, avec qui il contracte un Pacte de Fraternité alors qu'il projette de tuer son père. En outre, la mise en couleurs de l'album par Pellejero est splendide, passant tour à tour du feu à la glace, de planches rougeoyantes à d'autres glacées. Mais chaque médaille a son revers, et l'album pêche par un manque de rythme. Il est vrai que l'action dans ce premier tome est avant tout psychologique et mystique et qu'il faut en passer par-là pour donner à l'histoire de profondes racines, pour bien montrer les enjeux de la tragédie. Mais du coup, à cause de cette longue mise en place et des planches au nombre de cases réduit (et pourtant si belles, c'est tout le paradoxe), l'album se lit très rapidement, trop rapidement et l'on reste sur sa faim. Espérons que les prochains tomes contiendront plus d'action, servie notamment par Sétaq résurgence d'Attila dont il est le digne héritier par sa cruauté, et nous transporterons de plus belle dans les légendes de ces contrées oubliées.

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