Dracula

Dracula

Pat Mills, scénariste de Slaine (chez Soleil) n'est pas un habitué de la douceur ni de la nuance. Son association présente avec le dessinateur Olivier Ledroit est le fruit d'un travail commun de longue date. Ensemble, ils ont déjà produit l'éblouissante série Sha. Mais en raison d'une brouille avec les éditions Soleil, la série Requiem : chevalier vampire, des mêmes larrons, sort chez les éditions Nickel dont elle constitue l'entièreté du catalogue. Vous pouvez difficilement manquer leur couvertures, où l'art de Ledroit tranche sur un fond blanc immaculé. Le troisième tome, sobrement intitulé Dracula, vient de sortir, et il ne fera pas que des heureux.

Et ce qui devait arriver arriva…

Le passé de celui qui fut sur terre le soldat nazi Heinrich Augsburg s'assombrit encore un peu dans ce troisième tome où l'on apprend que son amour pour Rebecca le disputait à la haine de sa nature juive. Requiem, le chevalier vampire qu'il est devenu, a lui aussi des comptes a régler avec son propre passé, car il n'est pas celui qu'il paraît. Ses cauchemars lui ont révélé qu'il est la réincarnation de Thurim, ancien bras droit de Dracula répudié par les siens après avoir tué un dieu des limbes. Autant dire que si quiconque s'aperçoit de son identité, sa peau ne vaudra plus très chère.

C'est donc avec un enthousiasme modéré que Requiem accueille la nouvelle de son affectation sur la ligne de front de Lémurie, là où Dracula lui-même réunit ses troupes. Il faut dire que l'heure n'est pas aux réjouissances parmi les vampires car la récolte d'opium noir, cette précieuse substance qui leur permet d'oublier les démons qui les hantent, a été perdue. Le soulèvement de rebelles parmi les morts doit absolument être endigué avant que le pouvoir de vampires soit remis en cause, mais ce n'est pas chose facile, car nombre sont les morts-vivants qui ont les vampires en horreur. Au cœur de la bataille, rien ne permet de dire quel camp sortira vainqueur. C'est sans doute le moment idéal pour les traîtres Mortis et Cryptus de renverser Dracula et sa cour. Pour Requiem en tout cas, c'est le moment de vérité, car son destin est désormais entre les mains de celle qu'il aimait.

L'illusion de la surenchère

Ce troisième tome de Requiem est celui de la surenchère dont on pouvait déjà sentir les prémices nauséabondes dans Danse macabre. Mills et Ledroit n'en finissent pas de poser les jalons de cette série au point qu'ils en donnent la nausée. On a bien l'impression que l'on essaie de nous flouer en dissimulant l'indigence du scénario, sous la profusion de monstres et de batailles illustrées certes avec passion, mais désormais sans génie. Dracula nous apparaît avant tout comme le descriptif d'un bestiaire infernal, peuplé de harpies, de centaures, de goules, de lémures, de loups-garous et de fantômes. Certes il n'y a pas grand chose à redire sur la qualité du dessin et toutes ces charmantes bestioles sont réussies, mais la BD requiert d'autres qualités que l'illustration ! Or, pour ce qui est de l'histoire, on ne progresse pas d'un iota dans ce volume, ce qui ferait presque regretter d'aimer les dessins de Ledroit. Même le recyclage d'Hitler, utilisé comme arme absolu anti-fantômes, ne m'a pas fait rire… Même la torture de l'archéologiste, avec sa dégaine de prêtre de la lune noire égaré, ne m'a pas rasséréné. Messieurs, il va falloir réagir !
Seul véritable bon point de ce volume : la composition, qui est moins alambiquée que dans les précédents, et met plus le trait en valeur. On en avait presque oublié la splendeur de certaines planches.