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Mort aux Ramones

Dee Dee Ramone ( Auteur), Arnaud Cremet (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/10/02  -  Livre
ISBN : 2846260443
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Eric   - le 20/09/2018

Mort aux Ramones

Oui, oui ! Pas de malentendu ! C'est bien une autobiographie du bassiste fondateur des Ramones dont vous êtes en train de lire la chronique, ici, sur ActuSF. Pourquoi ? Et bien tout d'abord parce que le Diable Vauvert à eu l'excellente idée de nous en envoyer un exemplaire, ensuite parce qu'il n'y a pas que la SF dans la vie, et enfin parce que SF et rock se sont abondamment nourris l'un de l'autre. Et puis, à bien y regarder, l'histoire des Ramones n'est guère moins improbable qu'un Space Opera standard. Nous en sommes en 1975. Le rock est devenu un pachyderme, emmené dans des stadiums cyclopéens par des super-groupes poussifs et gras, comme Yes, Fleetwood Mac ou pire encore, Boston, Chicago ou Kansas. Tous million sellers, et tous maintenant retournés à l'ombre du légitime oubli qu'il n'auraient jamais dû quitter, détrônés au panthéon du rock par quatre crétins du Queens, à peine capables de jouer trois accords différents de suite.

Des parents marqués par la guerre

Aux commandes de ce quarteron de branleurs, Douglas Colvin, alias Dee Dee Ramone. Né dans une Allemagne encore très marquée par la débâcle de 1945, d'une mère berlinoise et d'un père Marines, le jeune Douglas nous apprend avoir très tôt pris conscience du fait d'être un loser. Balladé de bases en bases au gré des sanctions disciplinaires qui frappent son père, il découvre le rock grâce aux G.I's et à sa mère, alcoolo, hystérique et profondément traumatisée par la guerre elle aussi. C'est pour échapper à l'enfer de son mariage, qu'au début des années 60 elle quitte l'Allemagne, et part s'installer avec son fils à Forest Hill, un quartier relativement tranquille du Queens. Déjà à cette époque, Douglas s'est réinventé une réalité bien plus conforme à ces rêves de gosse. Fasciné par un catcheur au nom incongru dont il a vu une photo dans un magazine il décide que prendre un pseudo est le summum de la classe rebelle. Ce sera Dee Dee ! A la fois décadent, destroy et kitsch. Comme en outre il est fan des Beatles, en se replongeant dans l'histoire de leur premières années il découvre, qu'alors qu'ils étaient encore les Silver Beetles, Mc Cartney se faisait appeler Paul Ramone. L'affaire est faite, Douglas Colvin sera désormais Dee Dee Ramone, et tant pis si à cette époque personne d'autre que lui n'est encore au courant. Enfin presque personne, car nous dit-il, s'il a fini dans les Ramones, il n'y a pas de hasard. A Forest Hill il n'y a guère que trois autres abrutis dans son genre qui peuvent décemment s'acoquiner avec un dégénéré comme lui. Ces quatre là s'en vont finalement, entre plans dope, bitures et séances de balourdages de poste de TV du haut des immeubles du coin devenir les parrains du punk-rock US.

Alors OK, là je vous la fait un peu courte, mais Dee Dee est lui-même assez avare de détails sur l'épopée musicale des Ramones. Mort aux Ramones est avant toute chose un livre rock, et je dirais même un livre putain de rock'n'roll. Pas de postures, pas d'attitude, que du vrai. Du wild. A l'heure où le gang du Bowery a gagné en respectabilité, ce livre arrive à point nommé pour remettre les pendules à l'heure, et rappelle que l'on avait bien affaire à quatre freaks totalement déjantés. La vie de Dee Dee Ramone est une course vers la mort, menée à train d'enfer sur le fil de la lame de rasoir qui lui sert à préparer sa coke. Ici les piaules à déglingue sordides remplacent les palaces, les putes junkies les splendides bimbos pompeuses de nœuds, la défonce n'y est pas un luxe, mais le seul moyen de supporter l'idée de n'être qu'un pauvre connard de drogué minable.

One, two, three, four. Les quatre premières parties du livre ne sont qu'une autoroute de paranoïa, qui suit la carrière des Ramones. Quatre temps qui dégénèrent et s'accélèrent au rythme d'un hymne punk quelconque (au hasard prenons Blitzkrieg Bop en guise de bande son). Le Five, que Dee Dee n'a jamais braillé en ouverture de morceau, est la partie de la rédemption. Incroyable et provisoire, puisque finalement c'est d'une overdose qu'il est mort en juin dernier. Emporté par un dernier fix. Son premier en huit années.

Un peu d'ouverture

La traduction, signée Virginie Despentes, rend justice au style carré d'origine. Evidemment la préface de Philippe Manœuvre est assez largement inutile (une constante chez lui, presque sa marque de fabrique). J'en profite à ce propos pour dire aux éditeurs dont le rock n'est pas le métier d'arrêter de croire que Philippe Manœuvre apporte la moindre crédibilité rock à quoi que ce soit. D'ailleurs il avoue lui-même n'avoir rencontré Dee Dee Ramone qu'à une seule reprise.

En revanche, ceux qui l'ont croisé plus régulièrement disent de lui qu'il était dangereux, violent, totalement allumé, défoncé en permanence. Il n'en reste pas moins qu'il était un authentique artiste. Auteur des meilleurs morceaux du groupe, avec une vraie vision, celle d'un monde malade, certes, mais c'était le sien. Mort aux Ramones est une plongée dans le monde du rock. En même temps qu'on touche le fond, on touche à ce qui en fait une musique à part, en cela qu'elle s'orchestre autour de la futilité et de la destruction. Alors accrochez-vous et enjoy that motherfuckin' trip.

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