La Ligue des gentlemen extraordinaires

La Ligue des gentlemen extraordinaires

Désormais édités par demi-volume (72 pages au lieu de 144), chacune des aventures de la Ligue des gentlemen extraordinaires s'étalera donc sur deux volumes d'intégrale. Le présent tome (volume 3) réunit donc les trois premiers épisodes du deuxième volume de l'édition américaine (je sais que cela a l'air compliqué, mais en réalité, c'est encore pire que ce que vous imaginez). Une aventure où l'esprit d'équipe ainsi que quelques jolis minois vont se faire sérieusement amocher. Une histoire qui sent tellement le Wells que la touche LGX passerait presque au second plan. Alors, peut-être pas le meilleur tome de la série, mais on en apprend un peu plus des travers des uns et des autres au sein de cette congrégation dissonante de héros que le poids des secrets et des non-dits amène déjà au déchirement. Un tome toujours orchestré par le duo Moore / O'Neill qui est parti pour marquer durablement son époque.

La part d'ombre de l'homme invisible

Dans ce troisième volume de l'intégrale de La Ligue des gentlemen extraordinaires, nos héros goûtent à peine la disparition de Moriarty, qui avait bien failli mettre tout Londres à feu et à sang pour assouvir ses désirs mégalomanes, quand ils sont les témoins d'une invasion d'un nouveau genre: des extra-terrestres insectoïdes investissent la Terre, et ils n'ont pas trouvé de nid plus douillet que la campagne anglaise pour écraser leur carcasse métallique.

Dotés d'une dégaine de cerveau à bec et tentacules, les extra-terrestres paraîtraient inoffensifs si leurs vaisseaux n'étaient parallèlement dotés d'une force de frappe capable d'embraser toute matière organique et de stériliser la lande anglaise sur des miles à la ronde... Une situation face à laquelle même nos "super-héros" semblent bien démunis. Mais pas tous en vérité, car Hawley Griffin a senti le vent tourner: profitant de son invisibilité, il va même pactiser avec les méchants venus de l'espace et se retourner contre la mère patrie. La ligue se relèvera-t-elle de pareil affront?

La Guerre des Mondes version LGX

La série de La Ligue des gentlemen extraordinaires évolue à grands pas entre chaque aventure, même si l'esprit et la tournure décalés et fantasmagoriques unifient tous les récits. Le découpage de ce volume, avec quasiment une seule case en largeur pour chaque page, procure à l'ensemble un aspect panoramique en accord avec l'échelle épique de l'affrontement que se livrent humains et aliens. Sauf que du coup, les 72 pages défilent vitesse grand V, et au vu de la densité de l'aventure précédente, on s'en tire cette fois un peu déçu, sinon carrément frustré. Le déroulement essentiellement nocturne de ces épisodes nous fait naviguer dans une panoplie de violet et de noir à peine relevée par les flammes des incendies. Quant aux envahisseurs venus de mars, ils arborent un look que n'auraient pas renié les créateurs de Babylon V.

Du point de vue scénaristique, on s'amuse beaucoup de la facilité avec laquelle les méchants tentaculaires défont toute opposition et brûlent sur pied tout un régiment de cavalerie, artillerie comprise, de la glorieuse armée britannique toute en coiffe et en arrogance militaire. Pour le reste, on fait plus ample connaissance avec les soi-disants héros de la ligue. A la manière des Watchmen du même Moore, les héros de la LGX sont avant tout des humains, pourris de faiblesse et de défauts à la hauteur de leurs qualités. Voilà ce qui fait toute la modernité des comics d'Alan Moore et l'érige chef de file d'un bande dessinée intelligente, qui ne tire pas sa seule richesse d'une juxtaposition de causes à défendre par des hérauts du bien, mais cultive au contraire le ver au coeur du fruit, le mal de l'intérieur, les mauvaises habitudes et l'ambivalence. Ne gâchons pas une telle opportunité de se sentir moins con en lisant de la BD.