Si vous êtes lecteur assidu de revues spécialisées, le nom de Claude Mamier ne vous est sans doute pas inconnu. Distingué en 2001 par le prix Stephen King, le jeune homme distille depuis quelques années ses nouvelles dans des parutions comme Emblèmes et Bifrost. Eclectique mais quand même fortement influencé par le fantastique, il prend volontiers pour maîtres Lovecraft, Barker et Gaiman. Avant de partir pour un tour du monde d'où il ramènera certainement un bon nombre de sources d'inspiration, il nous livre ici un florilège de ses nouvelles.
Temps qui passe et drogues d'un nouveau genre
Des huit nouvelles qui composent ce recueil, On the little road to nowhere, Neo Amsterdam et Les Aiguilles sont sans doute les plus marquantes. La première débute sur un jeune homme qui passe son temps à compter les voitures défilant dans la rue. Il a eu une révélation. Le flot de véhicules est comme celui du temps : il coule sans que personne ne puisse l'arrêter. Il va pourtant essayer : depuis le matin il attend la 2006ème voiture, s'il arrive à la stopper, il est persuadé que l'année 2006 ne verra jamais le jour…
La suivante se déroule sur la Lune. Neo Amsterdam est le nom d'une prison d'un nouveau type. Ces maisons d'incarcération ne sont désormais plus sur Terre mais sur son satellite. Pour rendre l'éloignement plus supportable aux condamnés, des grandes villes y ont été reconstituées. La société qui s'y recrée ressemble comme deux gouttes d'eau à celle de la Terre, à une différence près : les citoyens sont exclusivement des condamnés. Vanhove y est gérant de fast-food. Pour protéger un jeune détenu qui vient juste d'alunir, il nous entraîne dans une description de sa cité qui vaut franchement le détour.
Enfin, Les Aiguilles nous raconte l'histoire d'un tranquille antiquaire occupant ses journées à pulvériser son record personnel de jetés de boulettes dans sa corbeille à papiers, qui voit un jour débarquer dans sa boutique un étrange visiteur. A première vue, il s'agit d'un drogué en manque à la recherche d'argent. Il veut lui vendre une belle boîte ouvragée contenant une vieille pièce de cuir plantée de six aiguilles. Pour se débarrasser de ce jeune homme apparemment terrorisé, Hal accepte de lui acheter. Il n'a alors aucune idée de ce qu'il vient de déclencher… Même si la fin en est un peu décevante, cette nouvelle reste l'une des meilleures et des plus impressionnantes du recueil. Dans la postface, Claude Mamier nous dit que l'idée lui en est venue après avoir rêvé qu'une aiguille s'enfonçait d'elle-même dans la saignée de son coude. Un écrivain qui rêve de choses pareilles ne peut pas écrire de mauvaises nouvelles.
Des personnages et des ambiances marquantes
Il est a priori difficile de trouver un fil conducteur à ces huit nouvelles. C'est peut-être tout simplement parce qu'il n'y en a pas, hormis leur constante qualité. Certes, les conclusions ne sont pas toujours à la hauteur de ce que laissent présager les débuts mais ce n'est pas grave, il n'en reste pas moins que chaque ambiance et chaque personnage (comme le Gardien des Fées) marquent durablement les lecteurs. A lire donc, pour le dépaysement et les rencontres, plus que pour l'action ou la terreur.