La nostalgie de l'Ange
Lorsque l’on prend ce livre en main pour la première fois, on est frappé de la manière dont l’éditeur vante son succès mondial pour justifier sa sortie en France. Né sous la plume d’Alice Sebold, une californienne de 40 ans, journaliste et auteur du livre Lucky, récit autobiographique de son viol à 18 ans, La nostalgie de l’Ange a apparemment séduit le monde entier. Selon la quatrième de couverture, il a été publié dans 30 pays et vendu à 3 millions d’exemplaires. Le rédacteur en chef de Paris Match parle d’un « Chef d’œuvre insolite et poignant » et Yann Queffélec d’un « roman sans limites ». Autant de louanges qui rendent méfiant. Un peu à tord sans doute…
Un viol, un meurtre et un paradis…
La jeune et jolie Susie passe une adolescence plutôt tranquille. A 14 ans, elle devient progressivement une jeune fille à l’ombre de ses parents et aux côtés de son frère et de sa sœur. C’est l’âge du collège, des premiers flirts et des boutons. Tout ce qui excite le voisin de ses parents, un pervers tueur en série qui se cache derrière une existence tranquille de célibataire exerçant la charmante profession de constructeur de maison de poupées. Un jour de décembre 1973, il attire Susie dans un champ, la viole et la découpe en morceau…
Commence alors la véritable intrigue de ce roman. Son narrateur n’est autre que Susie, qui, de son Paradis observe la suite des événements. Comment la police va chercher en vain à mettre la main sur son meurtrier, comment sa famille va se déchirer et s’unir dans la douleur de sa mort, comment ses amis vont vivre après sa perte… Plus rien ne sera pareil pour eux désormais. Pour Susie non plus d’ailleurs…
Déroutant, passionnant par endroits, caricatural dans d’autres
Aux premiers abords de La Nostalgie de l’Ange, on pourrait croire à un polar téléguidé par le paradis et la narratrice. On pourrait le croire et ce serait une grossière erreur. Alice Sebold ne cherche pas à nous raconter à tout prix comment l’affreux voisin va finir par se faire coincer, mais plutôt comment l’entourage de Susie (et Susie elle-même), va évoluer après l’indicible. C’est parfois déroutant de les voir vieillir avec cette douleur en eux, parfois même leurs réactions sont surprenantes (notamment de la part de la mère). L’horreur de la situation et la narration sont en tout cas accrocheuses. L’horreur de la situation parce que c’est un défi terrifiant de continuer à vivre après un tel drame pour chacun des protagonistes. On sent bien leur peine, leur détresse et aussi le moment où ils dépassent la douleur. Une situation forte servie par une narration entrecoupée d’observations et de flash back datant de la vie de Susie, avec une pointe de fantastique qui fait parfois frissonner. Au final La nostalgie de l’Ange est un roman qu’on dévore, même si l’intrigue traîne un peu en longueur au fil des pages, comme si Sebold s’égarait par moments, et même si l’auteur joue aussi de certains poncifs et de certains personnages caricaturaux. Le modèle américain est bien là. Pour autant, ne boudons pas notre plaisir. Rares sont les livres qui accrochent le lecteur de cette manière. Profitons en !