Nous sommes en 2104 et, qu'on se le dise une bonne fois pour toute saperlipopette, le présent manuel représente la somme définitive du Beau en matière de littérature.
Naturellement, comme il sied à tel ouvrage, ici seulement de la référence incontournable, représentative en diable de cet âge d'or du mot que fût la fin du XXème siècle et le début du suivant. Au fond, les meilleurs, ceux-là même qui apportèrent la dernière main à cet édifice plumitif millénaire, pourtant si malmené au cours des siècles.
Onze !
Onze Auteurs, ne craignons pas la majuscule, dont le génie fût à tel point quintessenciel, qu'il conduisit, comme vous le savez certainement, l'Académie Française à interdire toute création littéraire à compter du 1er janvier 2054, consternée qu'elle était, la pauvre, de la piètre qualité des jeunes " soi-disant " auteurs.
Après que le brillant Francis Fukuyama, dont la pensée illumina les meilleurs années de l'ère néo-libérale reaganienne, nous ait renseigné sur la " la fin de l'Histoire ", et à l'heure où s'impose à l'esthète l'évidence de la fin de la littérature, Le Jourde & Naulleau nous apparaît comme un vade-mecum obligatoire, de la même manière que nous édifia en son temps le merveilleux Lagarde et Michard.
Onze Auteurs donc, dont la fulgurance du verbe sera le phare des générations à venir. Onze Auteurs, parmi lesquels Guillaume Dustan, le pape du papotage, Alexandre Jardin, maître incontesté de la métaphore génitive, ou bien encore Christine Angot, à qui l'on doit d'un jet de plume commun et l'autofiction et l'ennui. Que dire encore de Philippe Labro, qui se consacra avec une dévotion qui confine à l'oubli de soi à porter témoignage du grand homme que fût Philippe Labro ? Et comment ne pas évoquer ici ce démiurge du burlesque égotique que fût Bernard-Henri Lévy ? Autant d'apôtres définitifs des Belles-lettres, qui jamais pourtant ne le furent autant.
Drôle et féroce
Vous l'aurez compris, Le Jourde & Naulleau, est plus qu'un ouvrage indispensable, c'est un livre drôle et féroce qui vous rappellera pourquoi vous avez un jour ou l'autre, décidé d'aller voir ailleurs, si, des fois, il ne resterait pas quelques auteurs qui avaient des choses à dire. Déjà responsable de La Littérature sans estomac, Pierre Jourde récidive cette fois encore avec le concours potache de son éditeur Eric Naulleau. Fatigués du petit cénacle littéraire germanopratois, ils portent une charge pleine d'humour, et parfois de mauvaise foi, contre les sensations de carton bouilli. Malgré l'absence de quelques figures de poids du palmarès éditorial - comme le fadasse Marc Lévy, Marc-Edouard Nabe et sa prolixité égocentrique ou les introspections d'orifices de Catherine Millet - ce petit brûlot n'en a pas moins valu à ces auteurs quelques tracasseries de la part de gens pourtant toujours prêts à déranger les grands principes dès qu'il s'agit de défendre les révolutionnaires de salon qui émargent sur la liste des meilleurs ventes en librairie.
Ainsi Le Monde des Livres en la personne de Josyane Savigneau et Philippe Sollers ne se sont pas privés de faire pression de droite et de gauche afin d'empêcher la promo du livre ou pour faire retarder aux calendes grecques la sortie en poche de La Littérature sans estomac de Pierre Jourde. Plus grave encore, plusieurs articles du même Jourde, ont été escamotés des sommaires de différentes revues qui les avaient pourtant achetées. Une cabale qui tourne carrément au procédé fasciste, puisqu'on est dans l'univers des grands mots.
Entre les auteurs sans plus d'humour que d'estomac, et les critiques inféodés qui, de peur de ne plus avoir table ouverte chez Lipp, continuent de faire semblant de trouver du génie aux épuisés et aux noircisseurs de pages, on ne s'étonne plus des colères des deux compères. Tout cela fait donc du Jourde & Naulleau un livre indispensable et drôle à vous procurer d'urgence.