Le trait d’union des mondes

Jérôme Camut s'est incarné pour la première fois dans notre monde à Paris, en 1968. Avant d'en arriver à l'écriture, il passe par les plateaux de cinéma et de télévision, où il occupe toutes sortes de poste, de la régie au montage, en passant par l'écriture de scénarios. Le trait d'union des mondes est son premier roman. D'abord publié au Serpent à Plumes, il sera le seul volume de la collection « Serpentaire », qui disparaît peu de temps avant la publication de sa suite, Les eaux d'Aratta. Après quelques mois de bataille juridique, la trilogie « Malhorne » trouvera finalement sa place dans le catalogue Bragelonne. Jérôme Camut prépare actuellement Prédation, un thriller « sans rien de fantastique » coécrit avec sa femme Nathalie, à paraître début juin aux éditions Télémaque. On attend également un quatrième tome du cycle « Malhorne » pour octobre prochain.

Une quête en sept statues

L'ethnologue Franklin Adamov découvre au fin fond de l'Amazonie, dans une zone supposée inhabitée, une statue datant du XVème siècle, représentant un homme de type européen armé d'une épée. Sur la garde de celle-ci est gravé, en caractères latins, le mot « Malhorne ». A cette époque, en cet endroit du monde, c'est impossible ! Et pourtant, voilà que la fondation Prométhée, créée par un magnat de l'armement, apprend à l'ethnologue l'existence d'une seconde statue, strictement identique, de l'autre côté de la Terre. Franklin n'a d'autre choix que d'accepter de travailler pour la fondation Prométhée s'il veut poursuivre trouver la réponse à cette énigme ethnologique. Car tout porte à croire qu'il existe encore cinq autres statues...

Un thriller en six cent pages

Si le roman de Jérôme Camut débute comme un thriller à la Da Vinci Code, il s'en éloigne vite. La quête des statues éparpillées à travers le monde, qui aurait pu constituer le cœur de l'intrigue, est expédiée dès la première centaine de page. Le récit s'intéresse alors principalement à Malhorne, personnage singulier qui prétend avoir sculpté les statues au cours de ses précédentes vies, dont il garde un souvenir limpide. Et pour le prouver, il va raconter à Franklin Adamov et à ses compères sceptiques de la fondation Prométhée l'histoire de ses précédentes incarnations, de la France médiévale aux goulags soviétiques de la guerre froide, en passant par l'Amazonie tribale, la Révolution française et les camps de concentrations nazis.

Très éloigné des habituelles productions Bragelonne, Le trait d'union des mondes est à coup sûr un livre atypique, mêlant roman historique, thriller philosophique et récit  fantastique. Sa principale qualité est sans doute d'être extrêmement bien documenté, tant du point de vue des sciences dont font usage les membres de la fondation Prométhée que des époques historiques traversées par Malhorne. L'intrigue est elle aussi bien maîtrisée, et d'énigmes en rebondissements, accroche le lecteur sur toute la longueur du récit - une aisance à laquelle le passage de Camut dans le monde de la télévision n'est sans doute pas étranger.

On pourrait tout de même reprocher à l'auteur son style parfois un peu convenu, quelque peu guindé. Certains dialoguent sonnent curieusement faux et manquent de naturel, comme si les interlocuteurs lisaient un texte écrit. Quoiqu'il en soit, rien qui ne gêne véritablement la lecture. Mais c'est long, vraiment long, si bien que l'on en viendrait presque à souhaiter que Malhorne ait débuté ses tribulations karmiques quelques siècles plus tard. D'autant plus quand on sait qu'il reste encore trois tomes après celui-là.

Pourtant, Le trait d'union des mondes vaut le détour ne serait-ce que pour faire connaissance avec le fascinant et insaisissable personnage de Malhorne. On n'a de cesse de se demander, tout au long du récit, qui il est vraiment. Un messie investi d'une mission sacrée ? Un psychopathe mythomane qui manipule son entourage ? Ou bien un être humain dépassé comme tant d'autres par les évènements et, comme il le dit lui-même, « un simple salopard » ?