Le Dernier des Sigognac

Le Dernier des Sigognac

Marion Mousse est comme son pseudonyme ne l'indique pas un homme. Résidant à Grenoble, cet autodidacte du dessin planche sur plusieurs projets à la fois. Toujours dans l'univers du roman d'aventures mais cette fois du côté des pirates, il dessine Moonflet sur un scénario d'Igor Szalewa, publié également sous le label Treize étrange. Il signe toujours dans cette collection Phinéas. Après les escrimeurs et les flibustiers, il s'attaque aux cow-boys puisqu'il prépare pour 2005 un western.

Héros et acteur malgré lui

Le dernier des Sigognac dépérit au fond de sa propriété délabrée en compagnie de son vieux et fidèle serviteur et de Belzébuth le chat. Une troupe de comédiens ambulants vient lui demander l'hospitalité. Ils ramènent des vivres et un peu de vie dans le domaine en ruines et proposent au jeune baron de les suivre à Paris. En route, leur convoi est attaqué, le baron n'écoutant que son courage bondit pour défendre ses compagnons…et ne trouve en guise d'assaillants qu'un bandit blasé qui face au jeune homme armé se sauve et une armée de pantins qu'il pourfend sans mal. Les acteurs dupés par la supercherie tiennent le jeune baron pour leur héros. Sera-t-il aussi brave quand on lui demandera de remplacer au pied levé un comédien malade ?

Dans la veine épique, une BD dynamique

Le langage, assez précieux, constitue en premier lieu un hommage au style de Théophile Gauthier mais fonctionne également dans l'intrigue : vestige de rang dans la bouche du baron, représentation perpétuelle des comédiens et affectation du brigand.

Une variation permanente des cadrages confère un grand dynamisme aux planches.
Les couleurs participent à cette impression : le rouge des robes des femmes et des éléments perturbateurs ainsi que les cheveux carotte d'Isabelle contrastent vivement avec la tonalité générale faite d'ocre, de brun et de vert.

Mousse ponctue ses planches de clins d'œil, créant un décalage comique entre ce que ces derniers suggèrent au lecteur et les faits : ainsi la petite Chiquita vêtue d'une cape rouge et pourvue d'un petit panier d'osier apparaît comme un Chaperon rouge à la merci du terrible brigand mais elle lui tient tête et demande même à l'assister dans ses agissements… L'ombre de Don Quichotte plane sur l'épisode de l'attaque. Les personnages, même si leurs traits frôlent parfois la caricature, sont très expressifs et attachants parce qu'ils sont justement saisis dans leur faiblesse.

Mousse a incontestablement sa place dans la génération actuelle de dessinateurs de BD aux côtés de Sfar, Larcenet, Blain, etc… Otons l'éloge de la bouche du fat marquis : " le nouveau a les reins solides, je lui prédis un bel avenir ".