Cela fait longtemps maintenant que Stéphanie Benson écrit entre polar et fantastique. Les titres de ses livres sont évocateurs : Le diable en vert (Le Masque), La mort en rouge (Le Masque), Palazzo Maudit (Points, Seul), Crève de plaisanterie (Le Poulpe chez Baleine), Le loup dans la lune bleue (Atalante). Après une vingtaine de romans, elle s’est lancée il y a quelques mois dans un cycle complètement fou : Al Teatro dont le troisième tome vient de sortir. Complètement fou car son sujet n’est rien de moins que la fin du monde.
Au cœur de la folie
Dans les deux premiers tomes d’Al Teatro, l’inspecteur Katz s’enfonçait progressivement dans un enfer délirant. Alors qu’il poursuivait un tueur en série, Milton, celui-ci se révélait être un génie du crime mégalomane. Son objectif : rien de moins que mettre l’humanité sens dessus dessous pour instaurer un nouvel ordre dont il serait le maître absolu. Le tout avec un programme assez simple : le meurtre et le viol. Et l’homme a de la ressource. Excitant les tueurs en séries potentiels, les rangeant à sa cause en quelque sorte, il a également l’appui d’un cercle restreint de personnages particulièrement puissants. De ceux qui ont les moyens de renverser les démocraties…
Face à tant de manipulation, Katz mène un combat éreintant. Son ennemi est partout et particulièrement rusé. Heureusement, dans ce troisième tome, il reçoit le renfort de quatre frères jumeaux assez étranges. Doués de pouvoirs télépathes, ils peuvent surtout voir par les yeux des tueurs en série. Le véritable combat commence alors. Milton n’est plus tout puissant. Mais cela suffira-t-il pour empêcher le monde civilisé de sombrer dans le chaos ?
Superbe
Il y a des livres qui sont de véritables claques. Qui vous entraînent dans leurs intrigues jusqu’à tard dans la nuit. C’était le cas des deux premiers tomes d’Al Teatro. Stéphanie Benson menait son récit à un rythme d’enfer, allant parfois loin dans l’horreur, puis basculant dans le fantastique le plus complet. Avec Moros les choses s’équilibrent enfin. L’arrivée des quatre jumeaux et la présence de Thirza aux côtés de l’équipe de Katz permettent aux enquêteurs de rendrent les coups. Ils ne sont plus tout à fait impuissants face à Milton. Résultat on prend un peu de distance avec le glauque des tueurs en série pour une intrigue plus globale, plus générale. Il ne s’agit plus seulement d’une course poursuite pour stopper Milton comme dans un thriller classique, mais bien du sort de la civilisation.
Et le lecteur dans tout ça ? Et nous ? En plein chaos généralisé, on navigue entre les différents personnages, avides d’en savoir encore un peu plus. Le style de Stéphanie Benson (de courts chapitres et une multiplication des personnages) permets de dévorer véritablement ce troisième tome. Comme finalement dans son intrigue, il n’y a aucun frein, rien qui ne puisse déranger notre progression, au contraire. Et le résultat est très très plaisant. C’est fou, délirant, souvent dur… Les sentiments des personnages sont exacerbés. En résumé vivement le quatrième tome. Avec un bémol toutefois. Pour aussi bien menée qu’elle soit, cette histoire ne ravira que ceux qui sont accrochés. En somme, si elle vous parle, si elle résonne en vous, vous risquez d’être comme moi, totalement amateur. Par contre, le délire qu’elle présente, sa dimension, sa folie peut en échauder certains. A chacun de juger. Mais si le récit vous happe, de bonnes heures de lecture s’offrent à vous.