Hozro

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Serge Perrotin est décidément un scénariste chanceux. Après que sa première série, Lance Crow Dog, a été sauvée par Soleil suite à la faillite des éditions Le Téméraire, c’est au tour de Terra Incognita, dont le premier tome avait été publié par les défuntes éditions Nucléa², d’être relancée par Théloma. Ce professeur, né en 1962, féru de bande dessinée et de science-fiction se décide un beau jour à passer de l’autre côté du miroir et à écrire lui aussi des scénario de bande dessinée. Il rencontre Chami grâce à Crisse qui tient de petites réunions de travail dans les cafés vendéens. Ce jeune auteur signe avec Terra incognita sa première bande dessinée après avoir travaillé dans la publicité.

Et la lumière fut

Un groupe d’élus a été enlevé par une entité mystérieuse peu avant que la Terre soit entièrement ravagée, résultat de la guerre totale qui s’y est tenue. Ils sont renvoyés sur la planète bleue 30 000 ans après l’Apocalypse, sans explication aucune, mais avec la mission de recréer une humanité pacifiée. Au début de ce deuxième tome, seuls quatre des vingt-huit rescapés ont survécu au massacre perpétré par les autochtones, un peuple qui ne semble composé que d’enfants. Jezabel, la seule femme du groupe, et ses deux compagnons, Erwan et Sal, se cachent au cœur de la forêt afin d’échapper à Yana et ses guerriers. Ils apprennent grâce au jeune Mani l’histoire d’Horzo, la seule ville aux allures de capitale inca au sein de cette vaste forêt équatoriale. Tous les dix ans un groupe similaire au leur est envoyé par la lumière venue des étoiles, tous les adultes sont exécutés, ainsi débute le rituel. La deuxième partie de cette étrange et cruelle cérémonie a pour nom le « Grand Carrousel ». Au cours de celle-ci, le quatrième survivant, Christobal sera sacrifié, le rayon lumineux le videra à proprement parler de sa mémoire. Les trois héros vont devoir pénétrer clandestinement dans la cité d’Horzo afin d’éviter le pire.

Un deuxième tome aussi bien que le premier

Pour ceux qui ont découvert la série avec la réédition du premier tome, ils n’auront pas eu à souffrir de l’attente, puisque le deuxième tome, Horzo est publié simultanément. On retrouve donc nos trois héros qui découvrent avec effarement que la tuerie a été orchestrée par des enfants qui ont repris les coutumes des Incas. En effet, Perrotin choisit de mettre en scène un peuple d’enfants aux mœurs cruelles et sanguinaires qui tuent tous les hommes qui n’appartiennent pas au peuple indien, comme s’il n’y avait eu aucun changement de mentalité malgré le grand cataclysme. L’histoire est pour lui un éternel recommencement, et il en fait la pessimiste démonstration dans ce deuxième volet. En effet, les survivants découvrent que dix autres groupes ont échoué avant eux sur la planète, tous les adultes, les « vieux hommes » comme ce jeune peuple les appellent, semblent avoir subi le même triste sort que leurs compagnons. Tout comme dans sa série Lance Crow Dog, dont le héros a du sang sioux et irlandais Perrotin met à l’honneur deux civilisations, la première indienne au sens large du terme c’est-à-dire sud-américaine, et la deuxième celte.
Pour soutenir cette intrigue, Chami offre des dessins grandioses et multiplient les plans larges. Ils sont soutenus par les couleurs vives de Verney qui soulignent le paradoxe de cette nouvelle Terre et de ses habitants à la fois symboles de pureté et de barbarie. La double page qui présente les ruines de Venise envahie par la végétation luxuriante est tout simplement superbe. Ce deuxième volet, bien qu’il ait son lot de révélations, ne donne pas pour autant toutes les clefs du mystère, notamment celui qui entoure l’entité qui a organisé le repeuplement de la Terre. D’ailleurs la dernière planche nous laisse en proie aux conjonctures les plus folles. Souhaitons que le dernier tome de ce triptyque sera à la hauteur dans ses révélations des deux premiers.