Le Génie donne sa langue au Chat

Le Génie donne sa langue au Chat

Trente ans que Turk et de Groot racontent avec génie les aventures de Léonard, de son disciple et de tous les personnages de cette délirante maisonnée. Leur amitié date du studio de dessin des Editions Dupuis dans lequel ils se rencontrent, Turk y est rentré à seulement 16 ans et Bob de Groot est alors dessinateur. Un premier personnage naît de leur collaboration, Archimède qui vivra le temps de quatre mini récits pour le magazine Spirou. Toujours dans leur entreprise de démystification, ils s’attaquent ensuite à l’icône Robin des Bois qui devient sous leurs plumes Robin Dubois (Le Lombard). C’est dans un des épisodes de cette série qu’apparaît pour la première fois Léonard qui s’appelle alors Mathusalem. Notre génie aurait pu à jamais n’être q’un figurant sans l’aide providentielle de Greg qui demandent aux deux auteurs de lui inventer une série afin de lancer Achille Talon Magazine. Voilà comment naît Léonard, mais ne lui dites surtout pas, il pense que c’est grâce à son cerveau génial qu’il a été choisi ! Trente plus tard, Léonard peut se vanter d’avoir vendu 6 000 000 d’albums et avoir été traduits en quinze langues (!).

Un bon cru de gags pour ce trente-cinquième album

Encore une fois, le pauvre Disciple, Basile de son petit nom, « servira la science et c’est sa joie » afin de tester les inventions géniales de son Maître. De gags en gags, plus ou moins longs, le lecteur pourra découvrir les dernières inventions de Léonard, les derniers bobos du Disciple, le trésor caché de Mathurine, les réflexions de Raoul le chat, les talents d’infirmière de Bernadette la jolie souris. Mais comme à chaque anniversaire il y a un grand absent, et ici c’est le Crâne. Au sommaire, l’élevage des escargots, la recette miracle pour être en super méga forme, le tuyau le plus long du monde, une manière originale de ranger ses chats, le bal masqué –l’allure ridicule du Disciple vaut son pesant d’or- ou le régime.

Trente années de grands bonheurs pour le Maître et de gros malheurs pour le Disciple

Trente ans tout juste donc que Turk et Bob De Groot publient les aventures rocambolesques, burlesques et comico-tragiques de Léonard et son ineffable Disciple. Ce dernier se sera fait au long de la série, troué, percé, ébouillanté, carbonisé, écrasé, noyé, déchiqueté, griffé, explosé, broyé, coupé, découpé, malmené, anéanti, exploité, torturé. En un mot, il aura été le souffre-douleur permanent du génialement génial Léonard alors qu’il n’a qu’une aspiration ma foi très humble : dormir !! Les réveils sont devenus légendaires ainsi que le tromblon du Maître que ce dernier dissimule habilement dans sa barbe. Hommage parodique à Léonard de Vinci, notre héros de BD a ceci de commun avec lui : il est en avance sur son temps et les anachronismes sont l’un des ressorts comiques des deux auteurs. Le dessin de Turk s’est affiné au fil du temps et les gags de Bob de Groot, même s’il sont souvent répétitifs, ne lassent toujours pas.

Lire ce dernier album m’a replongée avec délice dans mes émois de jeune lectrice, et plus que ces gags, ce sont les souvenirs qui m’ont faite sourire. Bien sûr chacun aura son album préféré de Léonard, le mien étant sans conteste La Guerre des Génies. Une chose pourtant m’a surprise, je suis aujourd’hui beaucoup plus sensible aux blessures et à la torture permanente que Léonard fait subir à son Disciple, certes benêt et maladroit, mais qui franchement ne mérite pas tout ce qui lui arrive, réflexion que j’étais bien loin de me faire à huit-dix ans. La cruauté enfantine ne serait donc pas un mythe !