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Les Vertes collines de la Terre

Sparth (Illustrateur de couverture), Robert Anson Heinlein ( Auteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/05  -  Livre
ISBN : 2070317536
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Eric   - le 20/09/2018

Les Vertes collines de la Terre

Robert Heinlein est un auteur sinon controversé, à tout le moins mal compris. Un malentendu qui repose, comme le remarque très justement Ugo Bellagamba dans une récente interview, sur sa capacité à souffler le chaud et le froid. Heinlein n'aime pas les étiquettes, et s'amuse d'être tout à la fois accusé de fascisme lorsqu'il écrit Etoiles, garde à vous ! et chanté comme un précurseur du flower power pour En terre étrangère.

Cette Histoire du Futur, enfin rééditée avec tout le soin qu'elle méritait, réconciliera peut-être le plus grand nombre avec celui qui, encore aujourd'hui, est considéré outre-Altlantique comme un maître incontesté du genre. Elle offre en tout cas les clefs pour mieux appréhender l'univers si dense de cet auteur.

On peut légitimement s'être senti frustré à la lecture de L'Homme qui vendit la Lune, le premier tome de cette série. Heinlein y peinait à décrire un avenir crédible de la planète, et ne convainquait qu'à demi sur les dernières nouvelles du recueil, alors que l'homme, enfin, s'élançait vers les étoiles. Didactique, parfois jusqu'à être scolaire, il n'en restait pas moins que nous avions affaire alors à des œuvres de jeunesse. L'empreinte de John Campbell s'y faisait omniprésente : l'obsession pour la rationalité scientifique, cette foi aveugle en les vertus d'une Amérique éternelle, guidée par une destinée manifeste.

Dans ce deuxième volume, Heinlein impose au lecteur un tout autre rythme. Des nouvelles courtes, bien plus portées sur le style que sur la démonstration.

Et très tôt Heinlein a compris que le style n'est pas qu'affaire de mots, mais aussi d'atmosphère. Très habilement il plante son décor pour en faire une composante majeure de son intrigue. Il sait, en quelques lignes, vous amener là où il veut. Et il le fait brillamment. Ainsi la profonde nostalgie de la nouvelle éponyme, rédigée sous la forme d'une hagiographie d'un poète trimardeur mort en héros anonyme, vous ouvre grand les portes de notre système solaire, et fait se lever un vent d'aventure épique sur cette Histoire avec un grand "H". Sur notre Histoire. Car Robert Heinlein est un conteur formidable qui sait nous emmener là-haut, dans les étoiles. Et l'on se fout avec lui de la vraisemblance scientifique d'une Vénus tropicale colonisée par l'homme, ou de l'existence hautement improbable de martiens, fatigués ou pas.

Il est un conteur donc, mais il a aussi des choses à dire. Stigmatisant la stupidité de ses semblables, infoutus de tirer quelque enseignement du passé dans La Logique de l'Empire. Il ridiculise aussi bien les nouveaux colons de la Lune que les esprits étroits des "rampants" dans son C'est bon d'être de retour !, et lui, l'ancien militaire, le soi-disant crypto fasciste, taille des croupières bien serrées aux va-t-en-guerre dans la très réussie La Longue Veille.

Plus léger dans la forme, et plus abouti dans le style, on sent nettement Heinlein prendre ses marques, et se libérer de l'influence de Campbell, le très directif rédacteur en chef d'Astounding Stories, où sont parues l'intégralité de ces nouvelles. L'élève s'affranchit et, déjà, commence à dépasser le maître. Une tendance qui, on le sait, ira s'affirmant. Mais surtout, un coin du voile se lève sur celui que, dans la même interview, Bellagamba (qui prépare un essai sur lui à paraître prochainement aux Moutons Electriques) décrit comme "un honnête homme et un conteur rigoureux". Deux qualités qui nous renvoient à nos fondamentaux et qui suffisent à rendre cette excellente réédition indispensable.

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