Le Destin de Conrad
Diana Wynne Jones écrit des livres pour enfants depuis 1973, date de parution de Wilkin's Tooth (elle a aussi commisun roman pour adultes, Changeover, publié en 1970). Elle a publié 37 romans à ce jour, dont certains appartiennent à trois cycles : La série des Chrestomanci (5 romans et deux recueils de nouvelles entre 1977 et 2005), la série de Dalemark (4 romans entre 1975 et 1993), et la série Derkholm (deux romans en1998 et 2000). Récemment, l'un de ses classiques datant de 1986 (pour lequel elle a écrit une suite en 1990, Le Château dans le ciel) a été adapté par Hayao Miyazaki : Le Château de Hurle (Hauru no ugoku shiro).
Le destin de Conrad est le 5e et dernier roman (pour l'instant) de la série Les mondes de Chrestomanci, et est très récent, puisque la première édition anglaise date de cette année.
L’enfant qui n’avait pas de chance
Conrad n'a pas vraiment de chance. Son père a disparu, sa mère est tellement absorbée par l'écriture de ses romans féministes qu'elle ne se souvient de l'existence de ses enfants que pour exiger qu'ils préparent à manger, son oncle est bien content de pouvoir l'employer comme main d'œuvre gratuite pour sa librairie, et sa sœur essaie désespérément de se distancier de sa famille. Vous pensez que cela ne pourrait pas être pire ? Eh bien si.
Son oncle, qui est magicien, finit par lui révéler que suite à une erreur que Conrad a commise dans sa vie précédente, il ne lui reste que peu de temps à vivre. A moins qu'il ne répare ladite erreur au plus vite. Et ça ne risque pas d'être facile, car Conrad est censé éliminer l'un des habitants du château de Stall, d'où de puissants magiciens manipulent le destin... Pour cela, un seul moyen: se faire embaucher comme serviteur au château. Commence pour l'enfant un dur apprentissage du travail de domestique...
Un monde complexe (voire confus), mais passionnant
Parents négligeants, voire exploiteurs, notables aux mobiles louches, patrons quasi esclavagistes, Diana Wynne Jones décrit un monde où pas grand chose n'est ce qu'il semble être, et où la vie est loin d'être rose. Le récit prend souvent une tournure inattendue, partant dans diverses digressions, et le lecteur qui pense qu'il peut prévoir la fin risque d'être surpris. L'intrigue serpente entre une description pleine d'humour, mais pleine de détails et presque sans concessions de la vie de domestique façon Angleterre avant la Première Guerre mondiale, avec ses hiérarchies et ses cloisonnements, tout à fait à la Gosford Park (un film que je recommande chaudement, bien que pas vraiment pour les enfants), et la recherche par Conrad de son destin, aidé/encombré par un étrange garçon qui semble avoir son propre agenda... La galerie de personnages est variée, et intéressante, avec une certaine profondeur même dans les rôles secondaires, et l'auteur a réussi à rendre son héros complexe et attachant. On retrouve Christopher Chant, un héros récurrent de la série, à une époque située chronologiquement entre Les vies de Christopher Chant et Les Magiciens de Caprona (l'auteur elle-même recommande de lire les romans dans l'ordre Ma sœur est une sorcière, puis Les neuf vies du magicien, Le Destin de Conrad, La chasse aux sorciers, et enfin Les Magiciens de Caprona). On peut apprécier ce livre sans avoir lu les autres de la série, les informations étant introduites au fur et à mesure, mais au risque de rater les références à l'arrière-plan de l'univers des Chrestomanci, et probablement également un certain nombre de plaisanteries. Cet univers riche et foisonnant peut se révéler difficile à suivre, et le roman est à recommander (mais là, chaudement) aux plutôt bons lecteurs.