Nina, l'étoile de la sixième lune
Roberta Rizza a choisi d’écrire les aventures de Nina sous le pseudonyme de Moony Witcher (double référence à la Lune et aux sorcières soufflée par son éditeur) car sous son vrai nom, elle signe des articles pour les quotidiens du groupe L’Espresso et couvre surtout des évènements dramatiques (meurtres, vols à main armée,etc.). Elle n’a pas voulu mélanger son travail de journaliste et ses inventions d’écrivain.
Elle a imaginé Nina alors qu’elle n’était elle même qu’une petite fille, traumatisée par une institutrice méchante. Et cette compagne imaginaire a ressurgi quand une nuit de Noël Roberta a endormi deux enfants en leur racontant une histoire fantastique. Presque un conte de fées, en tout cas une saga qui rencontre beaucoup de succès dans son pays d’origine (plus de 300 000 exemplaires vendus en Italie où vient de paraître le quatrième tome, en rapport avec l’Atlantide) et traduite dans douze pays.
Moony Witcher vit toujours à Venise où elle est née, entourée de ses douze chats, de ses deux oies, de ses amis artistes et de ses livres de philosophie et psychologie, deux matières qui la passionnent depuis son adolescence.
« Les enfants doivent recommencer à créer des idées magiques, à rêver. Penser c’est créer. »
Un soir du début de juin, Nina voit son envie en forme d’étoile qu’elle a sur la main grandir et virer au noir, signe qu’un grand danger la guette. Une lettre de son grand-père vient confirmer ses appréhensions et l’invite à le rejoindre à Venise. Mais avant même qu’elle prenne l’avion, la nouvelle de la mort de son grand-père lui parvient. En plus du testament de celui-ci, bien des énigmes attendent Nina dans la cité des Doges : qui lui a volé les livres d’alchimie qu’elle avait emportés dans ses bagages ? Comment entrer dans le laboratoire secret de son grand-père et continuer son œuvre ? Comment sauver Xorax, la sixième lune ?
Minutage minutieux et imagination débordante
Les découvertes et péripéties de Nina et de ses 4 amis s’enchaînent à un rythme impressionnant, souligné par les précisions détaillées sur l’heure et le jour de chacune des scènes. Ces précisions sont justifiées par le non écoulement du temps sur Terre pendant que Nina est sur Xorax.
La responsabilité de Nina quant à Xorax n’est pas sans rappeler l’enjeu qui sous-tendait le scénario des Mondes engloutis.
Les préoccupations de Nina oscillent entre celles d’une petite fille ordinaire (ses résultats scolaires, ses relations avec sa famille) et celles d’une héroïne confrontée à un grand destin qui lui tombe dessus sans crier garde. Moony Witcher a su créer un univers cohérent celui de la planète Xorax avec ses intrigants habitants de lumière, ses espèces d’animaux fabuleux. Parmi ces derniers, le Sbakio, boule de ouate qui fait des bulles de savon quand il est content est tout particulièrement attachant.
Les dispositifs pour communiquer avec Xorax et les installations du grand-père sont aussi très inventifs. Ils mélangent habilement machines et alchimie. Des personnages réussis malgré une certaine tendance à forcer la méchanceté
Pour mener à bien sa mission, Nina n’est pas toute seule ; elle peut compter sur la complicité de Cesco, Roxy, Nono et Flora. Chacun de ses compagnons incarne un caractère différent : le timide peureux, l’intrépide musclée, la frêle coquette, etc…Cela devrait favoriser l’identification des jeunes lecteurs. Les animaux familiers, Platon le chat et Apollon le chien ont aussi leur rôle à jouer. Et en Max, le robot zozotant, Nina a trouvé un sacré allié. Nina a ses moments de doute mais l’amour qu’elle a pour son grand-père et le soutien de ses amis l’aident à emporter la bataille contre l’affreux Karkon. La seule concession au manichéisme est la dénomination des adjuvants de Xorax : Les Gentils sorciers.
Dans le camp des méchants, ça se gâte : Karkon Ca’ d’Oro est maigre, chauve, a des petites yeux et un bouc. Autant dire qu’il a le physique de l’emploi !!! Son principal serviteur Viciolo le Borgne n’est pas plus ambigu. Alvisse et Barbessa les jumeaux malfaisants ainsi que l’androide préféré de Karkon ne s’écartent pas davantage du comportement typique d’un méchant ! Un livre prenant desservi par des négligence éditoriales
L’alphabet secret en vigueur sur Xorax et donc présent dans les notes du grand-père ainsi que dans les énigmes soumises à Nina constitue plutôt une bonne idée ; il incite le lecteur à déchiffrer lui-même les messages codés. Sauf que…Il est aussi indiqué dans l’histoire et repris dans le vade-mecum que bleu dans la 6ème lune se dit « Castis » (bleu ciel et retranscription en alphabet romain) ou « oloo » (bleu marine, si on en croit le texte p. 143)/ « olong » (si on retranscrit en alphabet romain le mot donné pour bleu marine en fin de volume). Alors comment se fait-il que p. 262, la résine bleue soit représentée par l’expression « résinebleue » dans l’alphabet de la 6ème lune. Cette incohérence est un exemple du défaut de ce livre. L’auteur a voulu créer un langage facilement déchiffrable (donc simplement une autre façon de transcrire nos mots) et a en même temps inventé des mots spécifiques à son univers qu’elle semble oublier en cours de route.
De même, Nina décide soi-disant de passer « sa première soirée tranquille depuis son arrivée à la Villa » p. 174, plan qui sera d’ailleurs compromis mais après tout, elle avait déjà eu sa première soirée tranquille 60 pages avant puisqu’elle avait « [joué] avec ses fidèles compagnons et sa nounou russe adorée »(P.115).
Ces incohérences dans le texte original sont doublées en français par des énormités sémantiques, stylistiques (mots manquants ou en trop) et grammaticales : le Livre Magique est-il dispensé des règles du français correct pour pouvoir afficher des énormités comme
« Si le lion sa gueule ouvrira »(p.277) ?
Là encore, une relecture attentive chez l’éditeur aurait pu enlever de telles scories…
Mais gageons que les jeunes lecteurs emportés par la succession d’évènements et la profusion d’éléments imaginaires plutôt bien vus ne remarqueront même pas ces défauts et attendront impatiemment la suite des aventures de Nina.