Dustin

Dustin

Il est difficile de présenter Corbeyran tant il a réalisé de scénarios de bandes dessinées. Citons juste quelques-unes de ses productions : Le Chant des Stryges, Asphodèle, Le Régulateur, Le Fond du Monde. Avec Double Gauche, il se lance une nouvelle fois dans une série de bande dessinée avec un nouveau compère. Il s'agit de Gil Formosa, connu pour ses dessins de la série Robur. Il est aussi l'auteur de somptueuses couvertures de livres SF, de publicités et de séries animées (Totally Spies).

Deux mains gauches

Dustin est né avec deux mains gauches, la seconde étant dotée du pouvoir effrayant de rendre inoffensif ce qui met Justin en danger. Ainsi elle transforme en bois un chien enragé ou en sable une porte de chêne. Au fil des ans, ceci lui a permis de devenir riche et craint, faute d'être respectable. C'est alors qu'il est au sommet de sa gloire qu'un passé qu'il voulait oublier revient le hanter...
Orphelin très jeune, élevé chez une tante obsédée par l'héritage, cachant sa main gauche devenue la risée des professeurs et de ses camarades, le jeune Dustin n'a d'autre choix que de s'enfuir le jour où son pouvoir se révèle complètement. Plongé dans un monde sans pitié dont il était jusque là plus ou moins protégé par les murs de la richesse, il va en croiser au cours d'une première journée palpitante le meilleur et le pire.

Facettes multiples

Cet album se lit à plusieurs niveaux et sous divers angles. On peut y voir la lutte pour la survie, la confrontation de l'innocence avec l'arbitraire, l'apprentissage de la vie ou l'appât du gain et ses exagérations. L'histoire est présentée avec beaucoup de distance, onirique, mais à la limite du cauchemar. Le héros se débat dans le filet de la vie, agissant d'instinct pour éviter d'être broyé par ce monde violent et froid qui l'entoure. Les personnages secondaires sont – exprès – des caricatures et des stéréotypes qui servent de décor pour mettre en valeur les ambiguïtés, les hésitations et les possibilités de choix du héros. On le voit très vite, le scénario est particulièrement fouillé, profond et promet une série de haut niveau.

Le graphisme est sombre, parfois presque désespéré. Formosa nous dépeint un univers à peine décalé du nôtre, une uchronie gothique et tragique pleine de monstres (femme-sirène, nain et autres difformités) pour mieux montrer que les monstres ne sont pas ceux que l'on croit voir. Il joue aussi sur les véhicules – mais moins que dans Robur – pour distancier les scènes de notre réalité et nous permettre d'interpréter toute l'aventure de Dustin comme la fable qu'elle est.

Cette série se présente donc d'emblée comme prometteuse, une parabole sur l'innocence et les dérives auxquelles peut amener le pouvoir.