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Quart–temps dans la vie d’une haine

Aux éditions : 
Date de parution : 31/07/06  -  Livre
ISBN : 2351670744
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Audrey   - le 20/09/2018

Quart–temps dans la vie d’une haine



Quart Temps dans la vie d’une haine est le second roman de Stéphane Grobarcik, âgé de seulement 27 ans.

Lire et écrire, puis mourir

Dans l’univers de Grobarcik, nous sommes tous perdus d’avance. Amours malheureux, routines de vies infâmes, tous les personnages en quête d’existence aboutissent à la même conclusion: mieux vaut ne plus être au monde. Ainsi finit Mathilde, anti-héroïne d’une chronique touchante sur le quotidien d’une femme ordinaire, aide-soignante, peu à peu dévorée par l’habitude. Même issue pour trois soeurs qui organisent secrètement et paisiblement leur jour ultime, à la manière des jeunes filles de Virgin suicides.

Outre le suicide,  l’auteur s’attache à l’exercice excitant et périlleux de la description de l’au delà. On y frise avec délice le surréalisme et l’atmosphère oniro fantastique des films de Bunuel, en suivant les personnages dans leurs tribulations en enfer ou au paradis. Ainsi, Léo se donne la mort puis entre dans «  l’immeuble des suicidés » dont les murs d’une salle entière sont couverts d’épitaphes fameuses en faveur du suicide. En effet, c’est un plaidoyer sur l’acte de mettre fin à ses jours qui affleure dans ce Huis clos rappelant celui de Sartre, ainsi qu’au fil de l’ensemble de l’œuvre.

Ici bas, la lumière pourrait venir de la lecture et de l’écriture, qui sont célébrées comme une solution métaphysique. C’est d’ailleurs sous les auspices de l’alchimie que débute le recueil, qui évoque le livre magique dont Nicolas Flamel tira les secrets de la pierre philosophale. Cependant, même les lettres sont irrémédiablement liées à la mort : l’ouvrage hautement profane est gage d’assassinat pour celui qui le lirait dans son entier.

Une écriture expérimentale

Malgré les perspectives limitées promulguées par la philosophie sous-jacente de ce livre, Grobarcik est doté d’un talent certain pour l’écriture. Son style proche de l’expérimental comporte un instinct rythmique puissant. Ainsi la série sur Mathilde est traversée par des vagues d’énumérations et de répétitions poignantes qui traduisent la linéarité mortifère du quotidien harassant de sa vie, et l’écriture furieuse d’une soirée d’étudiants en médecine pulse comme le tempo de la discothèque et les battements d’un cœur sous coke à la lisière de l’explosion.

Mourir…mais encore ?

Cependant, aussi brillante l’écriture de Grobarcik soit-elle, il manque à ce livre la lumière dont les grandes œuvres finissent toujours par se réclamer. Oui, le monde est inhumain, insupportable, imbuvable. Mais le suicide comme fuite unique ne fait avancer personne, or le rôle de la vraie littérature est aussi de proposer des solutions. Ainsi, l’écriture justement, peut se révéler salvatrice et permettre de supporter l’existence. C’est l’inverse que Grobarcik semble vouloir démontrer.

En outre, aussi savoureuses que soient la multitude d’intrigues composant ce livre, elles laissent à désirer .On souhaiterait que chaque histoire soit plus longue, davantage développée, et devienne une véritable nouvelle. Mais il faut croire que chez cet auteur, même le récit se suicide…Dommage.

Il en résulte néanmoins une œuvre à lire et surtout un auteur à suivre de très près.

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