World trade angels

World trade angels

Né en 1968, Laurent Cilluffo a habité Manhattan. De retour en France, il a poursuivi ses collaborations avec plusieurs parutions américaines . New Yorker, Newsweek...

Il n’est pas un pan d’imaginaire qui résiste à Fabrice Colin. Cet auteur est sans nul doute le plus prolifique et le plus reconnu de la jeune génération des littératures de l'imaginaire qui a fait ses premières armes dans le jeu de rôle.
Ses romans jeunesse (Invisible et Le Syndrome Godzilla étant les deux derniers publiés) sont tout autant salués que ses romans qui tendent de plus en plus vers la littérature dite générale tant la recherche sur la forme est poussée (cf le dernier en date, Kathleen).

"Nous venions d'entrer dans une dimension nouvelle. Ce n'était pas spécialement pire. C'était différent."

Les attentats du 11 septembre ont fait près de 3 000 morts qui ont laissé derrière eux parents, amis, famille. Stanley Middle a perdu ce jour-là sa fiancée Marion, jeune poétesse sur le point d'être publié, leur enfant qu'elle portait et son père qui avait accompagné la jeune femme au rendez-vous avec son éditeur.
Depuis Stanley n'a fait que fuir, la réalité, la douleur, croyant semer son chagrin. Mais quand il croise Sarah, ce précaire et artificiel équilibre reposant sur des neuroleptiques est rompu, les questions le rattrapent, le dépassent même. Il lui faut affronter la réalité, commencer le deuil pour revenir à la vie. Quel sera le rôle de Sarah dans ce cheminement ?

Un roman graphique exceptionnel

Cet album en noir, blanc et saumon est extrêmement et singulièrement structuré. Même si les personnages sont assez "indéterminés" dans la ligne de Chris Ware, chaque trait est signifiant. Les silhouettes à force d'etre épurée finissent par former des symboles, des signalétiques. Certaines planches sont surchargées de lignes comme la surenchère d'informations et d'émotions autour du 11 septembre, écho du brouillage des repères.
Et dans ces cadres très graphiques, le désarroi, les errances de Stanley sont d'autant plus sensibles. Les variations entre les plans jouent sur la transparence, sur les gammes des couleurs donnant au décor, à la ville de New York, ses parcs , ses rues , ses bureaux, ses appartements, parfois une coloration virtuelle presque improbable comme si la réalité s'effaçait. Certains éléments par contre se détachent très nettement, la carlingue des avions notamment.
Avant que la narration ne commence, une chronologie de l'événement, presque un compte à rebours, est donnée avec des faits précis, sorte de boussole avant d'entamer l'errance.
World Trade Angels est une plongée vertigineuse dans un drame à la fois très personnel mais commun à des milliers de personnes. Sarah ralentit la chute, rectifie la trajectoire, retient Stanley au dessus-du gouffre qui l'attirait, stimule l'instinct de survie et en même temps sème le doute dans l'esprit du lecteur.
Loin des commémorations, des approches catastophistes qui incitent au voyeurisme, World Trade Angel par son élégance et sa profondeur suit un parcours individuel totalement déstabilisé et par sa finesse invitent chacun d'entre nous à demeurer malgrè la barbarie “des hommes friables mais bien en vie. “