Au Coeur de l'Empire

Au Coeur de l'Empire

Bryan Talbot est l'un des dessinateurs et auteurs qui ont aidé à donner au comics britannique pour adulte la forme que l'on lui connaît actuellement, et qui a eu par la suite une influence considérable, y compris outre-Atlantique, avec des auteurs comme Alan Moore, Neil Gaiman… Ses premiers dessins furent publiés à la fin des années 60 dans le magazine de la Tolkien Society. Il a beaucoup publié dans la légendaire 2000AD dans les années 80 en collaboration avec Alan Moore (Tharg's Future Shocks, Ro-Buster), Pat Mills (Némésis the Warlock, Slàine), ou John Wagner et Alan Grant (Judge Dredd). Mais, plus significativement, il a également sa production propre où il assure scénario et dessin, en particulier la série Luther Arkwright (publication de 1978-1989 en VO), qui est l'un des deux premiers comics britanniques.

Dans les années 90, il a travaillé pour DC Comics, en tant que dessinateur sur des séries légendaires comme le Sandman créé et scénarisé par Neil Gaiman (A Game of You, Fables and Reflections et World's End), ou Hellblazer, mais aussi sur des projets propres ou des épisodes dans d'autres séries (The Dreaming : Gates of Horn and Ivory, The Dead Boy Detectives…).
Au Coeur de l'Empire : L'Héritage de Luther Arkwright est une mini série en neuf épisodes initialement parue chez Dark Horse en 1999.

L'Empire à son apogée

Bien des années ont passé depuis la victoire de Luther Arkwright et de sa maîtresse, la princesse Anne. Celle-ci est devenue le souverain absolu et totalitaire d'un empire qui s'étend sur la planète presque entière, et qui mêle les techniques des romains et celles de l'Empire Britannique que nous connaissons pour garder la mainmise sur le monde. D'ailleurs, de grandes fêtes se préparent pour célébrer l'anniversaire de son triomphe, qui coïncide avec l'anniversaire des jumeaux qu'elle a eu d'Arkwright. Mais le seul des deux enfants qui a survécu, la princesse Victoria, est maladive et mal adaptée, bien qu'extraordinairement douée pour tout ce à quoi elle s'essaye. La jeune fille erre dans une cour où les courtisans ne sont attirés que par ce qu'elle représente, et où personne ne s'intéresse véritablement à ses problèmes. A part peut-être Dee, le vieux médecin-astrologue de sa mère, tombé en disgrâce depuis bien longtemps…

Quatre jours seulement

Le lecteur sait dès le début que quelque chose se rapproche. Dans le coin des cases, le décompte est amorcé : Sept jours avant la fin. Quatre jours avant la fin. Trois jours. Un album dense et passionnant qui déroule pour le lecteur, sur quatre jours seulement, la description, l'histoire, et les méthodes de cet Empire, en parallèle avec une intrigue complexe qui a Victoria pour héroïne, ainsi que certains des anciens compagnons de ses parents. Bryan Talbot dresse le portait riche et luxuriant d'un monde décadent, où chacun ne poursuit que son propre intérêt, et où une Impératrice très inquiétante règne d'une main de fer. Ne cherchez pas de héros pur et sans reproche dans ce récit; l'auteur place des personnages crédibles et parfois effrayants à tous les rôles. Même la princesse est très loin d'être une oie blanche, et on est bien plus proche du camaïeu de gris sombre dans les âmes rencontré également dans Hellblazer ou dans Moore que du manichéisme courant à Hollywood aujourd'hui.

Le dessin, très détaillé et très coloré, à l'atmosphère oscillant entre le néo-romain et néo-géorgien, replace dans une ambiance qui rappelle la Glorieuse Révolution, soutenant et complétant les informations qu'apporte le texte. Ce premier album de la nouvelle trilogie peut se découvrir indépendamment des Aventures de Luther Arkwright, mais la lecture préalable de celles-ci apporte un éclairage sur certains points, et permet d’apprécier pleinement les différents styles et approches dont est capable Talbot. Un comics à découvrir absolument, à moins que vous ne soyez de ceux qui n’accrochent pas du tout au genre...