Crâne noir
Hervé Bourhis, né en 1974 en Touraine, embrasse une carrière de graphiste, produit le disque du groupe Alonzo en 2000 et reçoit le Prix Goscinny du meilleur scénario en 2002 pour son premier album Thomas ou le retour du Tabou, sur le thème de l'adolescence et de Boris Vian. Il est également l’auteur de Comix Remix, et illustrateur pour le Journal Spirou.
Né à Nice, Rudy Spiessert a passé son enfance dans un cirque, ce qui éclaire en partie l’origine de son fantasque coup de crayon… Après des études de communication visuelle, il travaille dans la publicité, quand en 2003, Hervé Bourhis lui propose de faire une BD musicale. C’est le « stéréo-club » en trois tomes chez Dargaud. Dans leur élan, les deux compères partageant du reste une même passion pour la musique inaugurent une nouvelle série 'Chante avec moi'.
Scènes cocasses de la vie d’un petit viking en visite chez les gueux
Dans le premier tome, Ingmar dut combattre son frère pour succéder au commandement viking. Puis, malencontreusement chassé du Walhalla par les dieux, il est finalement recueilli par un village de pêcheur. Plutôt roublard, notre Ingmar s’en tire plutôt bien et se voit confier par le moine du coin une mission bien trop innocente pour être honnête: escorter sa vierge nièce au Couvent, en compagnie de sa suivante, une affreuse marâtre traquant sans cesse l’ombre de Satan sur le sillage de sa protégée…
C’est donc avec les pérégrinations de ce trio de charme à travers une effrayante forêt que le second opus commence. Tout semble en place pour une romance mais il y a deux hic : Premièrement, l’acariâtre déjoue toutes les tentatives de drague d’Ingmar, et même lorsque les tourtereaux sont tranquilles, une immonde créature surmontée d’un crâne de Bélier les épie… Trop c’est trop ! Après quelques pirouettes, ils se débarrassent de la vieille et s’échappent du bois pour atteindre le couvent… Mais là, patatras ! Toutes les sœurs sont mortes… Tiens donc ! Les vikings ne seraient-ils pas passés par là ? Adieu voile, oraison et prière matinale... Nos deux lurons s’en vont voir ailleurs.
Satire médiévale pleine de panache
Ainsi, nous suivons d’un cœur léger les aventures d’Ingmar et sa belle au pays des Vilains. Les ingénus se heurtent au monde nauséabond du Moyen-Âge, que l’album parodie à longueur de farces et gags bien sentis: superstitions, peur du diable, amour de Dieu, bêtise généralisée, tout est passé au crible du regard d’Ingmar, qui se fait tour à tour, trivial, décalé, ironique. En incarnant avec humour le point de vue moderne, il met en lumière la cruauté de l’époque, pour notre grand plaisir.
Le scénario léger et drôle s’accorde avec les dessins très vifs de Spiessert, dont les perspectives expressionnistes traduisent l’atmosphère obscurantiste du Moyen-Âge et la menace des esprits planant entre les arbres millénaires des forêts…
Les dessins sont valorisés par le format cinémascope des vignettes, dont les angles s’arrondissent ingénieusement, comme des cartes postales rétro, lorsque la présence inopinée d’un sorcier africain introduit une charmante séquence sur son village natal. De surcroît, l’esthétique s’appuie sur un travail soigné des couleurs : gamme ocre pour l’Afrique, vert fantastique des forêts ou menaçant de la mer en furie, rouge satanique, la gamme concoctée par Spiessert et Mathilda sert parfaitement le sujet.
Un bon moment en perspective, donc, pour petits et grands.