À Travers moi
Thomas Cadène, 31 ans est illustrateur. Peintre, il travaille aussi pour la publicité et la mode. 2007 est son année BD, marquée par la sortie chez Casterman (KSTR) de l'abum Regards Croisés (Gilles Aris au scénario, Cadène au dessin) et celle de À Travers moi dont il signe dessin et scénario.
À Travers moi, est le deuxième album de la collection Discover, un label grâce auquel Paquet met à l'honneur des démarches personnelles et originales d'auteurs dans des livres tout en couleurs et à bords arrondis.
Une métamorphose
Benoît se réveille en pleine nuit, certain que quelque chose a changé. En effet, à partir de ce moment, il perd le contact physique avec les autres gens qui se contentent de passer à travers lui.
Effrayé par ce prodige, il fuit sa ville en compagnie de son amie Juliette, puis il doit aussi s'éloigner de son pays, perdant jour après jour l'espoir de redevenir normal. Accidentellement, il découvre que le passage à travers son corps n'est pas sans effet sur ses semblables.
BD, oui, mais pas tout à fait
Ce qui frappe de prime abord, à la lecture de À Travers moi, c'est cette sensation d'avoir entre les mains autre chose qu'une BD.
Les cases sont bien là, les phylactères aussi (on a tout de même besoin de vérifier), mais l'histoire va si loin qu'on en garde plutôt une impression de roman abondamment illustré.
Une illustration gauche en apparence, sombre et inégale qui ne dérange que le temps de deux pages, le temps de réaliser qu'elle participe de l'ambiance étrange du récit.
Des traits épais, vifs, qui rendent avec justesse le regard subjectif du narrateur, dessinant les personnages beaux et clairs quand ils sont décidés et limpides, plus brouillons lorsque la confusion et le doute s'emparent d'eux.
Ainsi, les dessins, pas nécessairement ressemblants d'une case à l'autre, s'imposent en même temps que les mots et livrent comme un complément indispensable les sentiments que les textes, précis et riches ne décrivent pas toujours.
Au-delà de l'histoire
L'histoire — une métamorphose constatée au réveil — peut sembler ordinaire, voire rabachée. Pourtant son développement fascine et surprend.
Thomas Cadène, avec ce récit à la première personne, rend sensible et presque intime la transformation de Benoît.
On découvre avec lui la somme de ce qu'on perd en perdant le contact avec autrui.
"Tu dois donner un sens à cette expérience" disent les proches du "passe-muraille".
Mais loin de céder à cette tentation, l'auteur s'éloigne des contes à morale, s'arrête, le temps d'une réflexion sur la notion de miracle, explore la solitude liée à la singularité pour aboutir à quelque chose de déroutant.
Une mise en abîme de l'expérience individuelle de Benoît, une démonstration brûlante de l'absurdité de la vie, une fin pour le moins troublante.
En bout de lecture, on comprend le choix de Paquet d'avoir fait paraître À Travers moi dans sa collection "Discover". C'est une réelle découverte, une BD pleine d'émotions et de passion, 96 pages de textes, d'images, et d'une vie à hurler.