Profanations

Profanations

Stéphane Betbeder est un scénariste né en 1971. Après avoir fait l’école des Beaux-Arts d’Angoulême, il scénarise la série Alister Kayne chez Albin Michel avec Eric Henninot au dessin, ainsi que Le Journal d’Abercrombie Smith dessiné par Jean-François Solmon, toujours chez Albin Michel. En 2006, il sort le premier tome de Bunker chez Dupuis, mis en images par Christophe Bec.

Né à Siracuse en 1967, Riccardo Crosa est un dessinateur italien connu notamment pour la création de Rigor Mortis en 1994. Habitué à la BD humoristique, Crosa fait, avec Sanctuaire Reminded, sa première incursion en France et dans le manga.

Sanctuaire Reminded est l’adaptation manga de la série de BD franco-belge Sanctuaire, écrite par Xavier Dorison et dessinée par Christophe Bec. Profanations, le premier volume, a été pré publié dans les premiers numéros de Shogun Mag.

Du Youbrenin à l’USS Nebraska

En 1957, l’armée russe perd un sous-marin, le Youbrenin, dans le bassin méditerranéen, dans des circonstances mystérieuses aux portes d’un sanctuaire sous-marin.
En 2029, l’USS Nebraska, dernier fleuron de la marine américaine équipé des armes les plus sophistiquées, est confié au commandant Hamish. Il est envoyé en mission dans les eaux territoriales syriennes.

Du manga réaliste

Si Profanations est incontestablement un manga, ce volume sort un peu des sentiers battus du genre. Tout d’abord, ses quatre pages en couleur en début d’album lui donnent un cachet particulier, comme si les auteurs avaient voulu adoucir la transition avec la version franco-belge. Par la suite, Crosa allie avec réussite le trait rapide et dynamique du manga, et une précision très réaliste dans les décors. Les personnages gardent cependant des traits plutôt simples, ce qui crée un léger déséquilibre avec le reste du dessin. Mais au final on s’habitue vite à ce graphisme agréable, facilement lisible, et plutôt bien adapté à l’atmosphère confinée du sous-marin.

Profondeur psychologique

Le point de départ de l’histoire de Sanctuaire Reminded est clairement fantastique – horrifique même, d’après les auteurs. Pourtant, après une introduction alléchante (avec un jeu très subtil sur le mélange entre délire et réalité dans l’esprit d’un matelot), le fil du récit est interrompu et Betbeder prend le temps de développer ses personnages, qui acquièrent une profondeur psychologique plutôt rare dans ce genre de BD. On apprend une partie de leur passé, leurs difficultés présentes et les sentiments qui vont sans doute influencer leurs actions futures. La diversité de leurs origines – un ex enfant star, un fils de sénateur, une photographe de mode… - promet entre eux des relations et interactions originales.

En outre, si Betbeder ne détaille pas vraiment l’époque dans laquelle évolue l’histoire – nous sommes en 2029 et peu d’indications sont données sur ce futur proche – les quelques éléments d’anticipation qu’il distille sont crédibles. Les auteurs ne donnent pas dans la surenchère technologique et préfèrent se concentrer sur les aspects sociologiques de ce monde, avec une critique de la politique de « guerre préventive » des Etats-Unis qui n’est certes pas nouvelle en Europe, mais qui est faite ici par petites touches et sans exagération.

Enfin, après ce long (mais pas dénué de rythme) intermède sur le développement des personnages, les auteurs reprennent le fil conducteur du scénario et préparent le tome suivant qui contiendra sans aucun doute plus d’action.

Une mise en place de bon augure

On sent que Betbeder et Crosa veulent exploiter le format feuilleton du manga au mieux de ses capacités : ils prennent le temps de mettre en place leurs personnages et les éléments constitutifs du scénario, sans se presser mais avec un rythme jamais relâché. Le petit dossier en fin de volume, contenant notamment un making of de l’album et une interview des auteurs, confirme d’ailleurs cette volonté ainsi que celle de démarquer Sanctuaire Reminded de son original. Ainsi, indépendamment de son statut d’adaptation et de son format qui vise peut-être un public différent de celui de Sanctuaire, cette série démarre sur de bonnes bases et promet d’être aussi divertissante que surprenante.