La Belle au bois et autres histoires

La Belle au bois et autres histoires

Patricia Gaillard est une conteuse professionnelle, originaire d’Alsace. Bercée par les contes depuis la petite enfance, elle inaugure à présent la collection “le cabinet fantastique”, nouvellement créée par les éditions le pré aux clercs. Elle nous livre dans ce recueil une petite vingtaine de contes (18 pour être précis), relatés de façon assez simple et concise, mais fidèles à la grande tradition orale du genre.

Le plaisir du conte oral

Avec ce recueil, la maison d’édition table sur la redécouverte des contes par le public moderne, initié à la fantasy ou tout simplement curieux de redécouvrir ses racines. Et de ce point de vue, il faut reconnaître que le pari est gagné: l’auteur nous fait partager ces histoires dans un style très agréable, donnant réellement au lecteur l’impression de se trouver face à un conteur (pardon, une conteuse).

Le tout en actualisant efficacement le style: par exemple en épurant les récits de nombreux détails d'origine, vieillots ou trop obsolètes pour nous parler vraiment, ou en évitant la fausse pudeur qui avait fini par leur ôter tout réalisme. Ce sont des contes traditionnels, oui, mais pas retranscrits< comme un témoignage qui demanderait un important effort d’adaptation. Ils se lisent naturellement, presque automatiquement.

Autre bon point : Ils permettent de se laver un peu la tête de toutes les happy ends à la Walt Disney, qui finissent par malheureusement faire oublier les dénouements originaux de notre folklore.

Ce sont les mots de la quatrième de couverture, prétendant conférer aux contes "une dimension plus large, inédite, inattendue". Autant la narration est effectivement originale, plaisante à lire, autant il ne faut pas se méprendre. Pas d’explications analytiques à la Bettelheim, pas de symbolique criante ou, à défaut, originale, et pas de clés pour mieux comprendre la signification ou l’origine des récits. C’est un recueil purement narratif, à chacun d’en tirer ce qu’il peut.

En espérant, au passage, que l’éditeur ne comptait pas sur la préface pour nous apporter l’éclairage annoncé. J’ai été réellement enthousiasmé par la lecture du recueil, par la fraîcheur de la narration. Mais clairement la préface fut une épreuve. L’auteur nous y gratifie de tout un laïus, où le principe même de conte se voit religieusement placé sur un piédestal de mièvrerie. Ce sont des récits très poétiques, certes, mais il sont aussi sensés apporter autre chose sur nous-mêmes.  L’auteur ne parle que de cette poésie, s’appropriant l’éternelle complainte sur la perte d’un hypothétique sens de la nature, un ressenti naturel souillé par la modernité corrompue... Une épreuve, je vous dis.

L'auteur est une bonne conteuse, distillant savamment juste ce qu'il faut de lyrisme dans ses récits. Mais l'analyse n'est simplement pas au niveau, et tourne à l’overdose rousseauiste.

Un bon recueil de contes

Je concluerai en insistant sur les qualités narratives de l’auteur. On prend un réel plaisir à redécouvrir ces contes, efficacement réadaptés pour l’époque moderne. Très plaisant, tout en donnant envie d’aller plus loin. Mais si vous omettez de lire la préface, ce ne sera pas trop grave !