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Rouge Sang

Philippe Loubat-Delranc (Traducteur), Melvin Burgess ( Auteur), Vitaly S. Alexius (Illustrateur de couverture)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/03/07  -  Livre
ISBN : 2070345769
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Christian   - le 27/09/2018

Rouge Sang

Auteur britannique de livres jeunesse didactiques à succès, Melvin Burgess change de registre avec Rouge Sang (traduction statique de Bloodtide), premier tome de La Saga des Volsons, tirée de la Volsunga Saga islandaise, écrite au XIIIème siècle, mais relatant certains faits réels datant du haut Moyen-Âge (VIème-Xème siècle). Changement de décor, la lutte acharnée entre Conor et les Volsons se déroule dans un Londres délabré et une Angleterre décadente dans un futur flou, aux accents post-médiévaux. La première édition de son roman publiée chez Gallimard Jeunesse (2002), en raison du label « ados » de l’auteur, mais sa cruauté et son nombre de pages la destinaient à figurer en meilleure  place chez Folio SF.

Le second tome, De feu et de sang (Bloodsong), isochrome, paraît en mai 2007 toujours chez Gallimard Jeunesse.

Un plat rouge sang froid

Val Volson souhaite mettre un terme à la lutte fratricide entre les humains de Londres et offre sa fille, Signy, en mariage au seigneur de guerre Conor, le fils de son feu ennemi juré. Pour Siggy, le frère jumeau de Signy, ce mariage est voué à l’échec. Mais rien ne résiste à l’ambition de Val Volson : unifier Londres et conquérir l’Angleterre en soumettant les Mi-Hommes des Terres Vaines (banlieue Londonienne) créatures réelles et artificielles (générateurs d’hybrides hommes-animaux), qui se font de plus en plus pressants.

Ce projet va se heurter au machiavélisme féroce de Conor. Seuls Signy et Siggy et son précieux couteau d’Odin sauront, au terme d’une longue attente semée de traquenards, d’humiliations et de souffrances, venger l’honneur et l’ambition des Volsons. 

Une tragédie sanglante et tolérante

« Un grand roman de science-fiction, plein de bruit et de fureur, de larmes et de sang » nous avertit l’éditeur. Oui, l’inspiration de Melvin Burgess est assurément shakespearienne. Du Macbeth. Ou du Titus Andronicus. Mais si la vie est « une fable racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien », il n’en va, fort heureusement, pas de même du roman. Burgess (Melvin, pas Anthony, le vrai spécialiste de Shakespeare) nous livre un très beau conte cruel et intelligent sur le pouvoir et l’amour, conjugal, filial, fraternel et incestueux. Un grand roman de science-fiction ? Pas vraiment. Du moins pas de science-fiction. Le décor d’un Londres futur ravagé est anecdotique (on appréciera ou pas la touche de sadisme avec laquelle Melvin Burgess ruine et torture les monuments les plus célèbres de Londres), les technologies (armes, générateurs de monstres) sont totalement secondaires. Un très bon roman de fantasy. Oui.

De la vengeance. Du chaos, du sang. On ne compte plus les morts. Si le génocide et le nettoyage clanique étaient opposables aux auteurs, Melvin Burgess serait pour longtemps sous les verrous. Du récit total. Il suffit de remplacer Siggy par « Siegmund » et Signy par « Sieglinde » et ci-gît feu la Walkyrie et la Tétralogie de Wagner, de même inspiration nordique (épée magique, inceste, Odin). Les personnages sont peints avec force, avec violence, mais sans manichéisme. D’un style court et haletant, Melvin Burgess fonce, frappe, fuse, prend à peine le temps de respirer et nous entraîne, dans un mouvement accéléré, du drame personnel à la tragédie historique.  L’auteur soumet  ses personnages à l’épreuve du temps, il les isole, il les tourmente, puis il les fait vieillir. A travers les années, il modifie la personnalité et la volonté d’un Siggy, conserve intacte la résolution de Signy et flétrit Cherry, la walkyrie femme-oiseau-chatte. Du Moorcock sans grandes scènes de bataille, mais avec plus de violence intérieure que dans le Hawkmoon du Joyau noir.

On appréciera également les leçons d’humilité et de tolérance. Être héros ne protège ni de la mort, ni du mal : les fils Volsons sont dévorés, Signy est mutilée, Siggy défiguré et ils se jettent  volontiers dans la course au couteau et au chaos (façon "Seigneur des couteaux"). Les personnages, avatars de reines et de rois maudits, ne sont jamais foncièrement bons ou mauvais (voir la touchante pusillanimité amoureuse du pire des ogres et saigneurs de Londres). Siggy médite longuement sur l’existence et son insignifiance avant d’assumer son destin d’élu d’Odin. Pour la tolérance, l’attachement contre nature entre Siggy et Mélanie est un cas d’école. Sachez que votre prochain peut être un porc ou un chien. Non les mi-hommes ne sont pas des moitiés de monstres. Ils ont droit au respect et les hommes-chiens se révèlent plus tolérants et plus humains que les homos sapiens (le syndrome Primo Levi). Le combat des Volsons, chevaliers de la horde et de la Halde, est celui de l’égalité des chances pour tous.

Âmes sensibles, s’abstenir. Amateurs de sensations fortes, ce très bon livre est pour vous. Vous pourrez explorer toute la palette des sentiments humains. Toutes les couleurs de la passion et de la douleur. Surtout le rouge.

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