Sous le titre Le Sacre de l’homme, Homo Sapiens invente les civilisations, Bamboo Editions a eu la bonne idée de renouveler l’expérience de l’adaptation du fameux documentaire de Jacques Malaterre Homo Sapiens, suite de L’Odyssée de l’espèce. Cette fois-ci, Loïc Malnati, dessinateur d'Anahire ( Delcourt) et de Transgénèse (Les Humanoïdes Associés) est passé du crayon à la plume : il devient coscénariste, tandis que le nouveau dessinateur est le créateur de l’inoubliable Rahan, André Chéret. La série documentaire préhistorique en BD, stade ultime de l’évolution de l’espèce ?
Après le format documentaire télé (récemment présenté sur France 2), DVD, bel ouvrage Jeunesse, voici donc Le Sacre de l’homme en BD (il ne manque plus que le jeu vidéo). Il faut dire que la qualité des contenus didactiques, garantie par des scientifiques de haut rang tel qu’Yves Coppens ou Jean Guilaine, mérite d’être transmise aux jeunes et aux moins jeunes sous toutes ces formes. La bande dessinée permet de présenter des scènes qui seraient trop coûteuses au cinéma (attroupements, « angle de vue » audacieux) ; elle permet de revenir plus facilement qu’un DVD sur certains points et facilite la mémorisation. Et quand le tout est mis en images par le père de Rahan, autant dire que les jeunes qui ignorent l’histoire ancienne n’ont maintenant plus d’excuses…
Homo sapiens sapiens innove innove…
A la faveur d’un réchauffement climatique (tiens, ça nous rappelle quelque chose), l’homme d’il y a douze mille ans sort de la préhistoire et amorce sa course à la civilisation. Il devient sédentaire, agriculteur, éleveur, forgeron, commerçant, prêtre, architecte, scribe, mais ses nouveaux modes de vie donnent une nouvelle dimension aux dangers qui le menaçaient dans la préhistoire : guerres, épidémies, surpopulation, famines. Il doit apprendre à vivre en communauté, à s’organiser, à communiquer, à prendre conscience des autres et à inventer. Les hommes, puis les peuples, se spécialisent, pris dans un mouvement accéléré de différentiation compétitive et de rapprochement mimétique.
Pour mieux capter l’attention des plus jeunes et comme l’album précédent Homo sapiens, ces évolutions sont présentées sous forme de mini-récits didactiques à taille humaine (quelques personnages) qui sont autant de condensés d’innovations comportementales et techniques : la confrontation entre nomades et sédentaires, la rivalité amoureuse et l’agriculture, l’épidémie et la tyrannie, les nouveaux nomades.
Plus de 200 ans la page
Evidemment, pour faire passer 10 000 ans d’évolution en 46 planches, il faut accepter quelques raccourcis, surtout quand la narration se focalise sur quelques personnages. Toutes les grandes innovations ne sont pas traitées dans l’album, mais l’essentiel est dit. Parfois de façon violente et crue, mais la vie n’a pas toujours été rose pour l’homo, même sapiens.
Sur le plan graphique, on reconnaît dès la première planche et, malgré les couleurs, la patte d’André Chéret (c’est moins évident sur la couverture). Les têtes sont moins néanderthaliennes, les cases plutôt plus nombreuses, le format plus grand que pour Rahan, mais l’œil inquiet, la rage ulcérée, les corps dynamiques et vigoureux des personnages nous y ramènent vite. Les crayonnés approximatifs des seconds plans, les couleurs tendance pastel ocre, les ombres et reliefs traités davantage à l’encre noire que par la couleur donnent parfois un côté désuet aux graphismes, mais la technique d’André Chéret s’est affinée avec l’âge et ses personnages, toujours aussi forts et aussi présents, ont gagné en sagesse et en humanité.
Album à colporter rapidement auprès des jeunes représentants de l’espèce humaine.