Expiration

Né en 1977, Anna Borrel est journaliste à Marianne. Outre cette activité, elle passe également son temps à écrire et notamment ce roman Expiration, qui est son premier.
 
No Futur
 
Dans un avenir qui n’est pas très éloigné d’aujourd’hui, la fracture entre Paris, la banlieue et le reste de la France s'est considérablement agrandie. Il y a la zone 1 : Paris, qui rassemble les riches et les privilégiés. Et puis il y a les autres où la vie est particulièrement compliquée.
 
Dessandres vient lui de la zone 5 près d’Orléans. Un lieu de misère et de violence duquel il a réussi à s’extirper tant bien que mal, jusqu’à arriver à décrocher un poste dans la police parisienne. Il ne lui reste plus qu’une marche à monter pour finir son tutorat et être accepté totalement comme citoyen de la zone 1. Lorsque le corps d’un mort disparaît étrangement, il voit dans cette enquête sa chance de terminer ton apprentissage. C’est pour lui la dernière épreuve avant la consécration. A condition bien entendu qu’il réussisse.
 
Au loin, des bandes de banlieusards affrontent les forces de l’ordre aux portes de Paris pour essayer de rentrer dans la ville.
 
Début d’une romancière
 
Pour son premier roman, Anna Borrel a choisi un récit de science-fiction assez noir. L’avenir qu’elle dépeint est déprimant. On y sent toutes les influences et les lectures qu’elle revendique notamment sur sa page perso (http://www.myspace.com/annaborrel) : les Andrevon, Ballard ou Silverberg. Evidemment, elle n’est pas encore à leur niveau, on ne lui en demandait pas tant pour son premier livre. Néanmoins, il a quelques défauts de jeunesse. On lui reprochera notamment un personnage qui manque de profondeur. Dessandres est obsédé par son but et manque cruellement de personnalité. Il n’a ni ami, ni amour, ni conscience (il avoue avoir balancé la moitié de sa ville pour arriver à son poste actuel), ni remords, ni regard critique sur la société dans laquelle il vit. Tout à sa quête, on le sent un peu vide. Il n’aime pas la musique, les femmes qu’il a connues jusqu’ici étaient toutes des prostituées, il n’a aucune relation avec ses collègues. Et sans les bourdes et maladresses qui le remettent à chaque fois en question, il serait le prototype presque parfait du salaud arriviste. Evidemment, son parcours, le mépris que lui témoignent les citoyens nés dans la zone 1 et l’enjeu de l’enquête ne laissent pas de place aux états d’âmes. Malheureusement cela empêche un peu l’empathie.

Côté background, c’est un peu le même constat. Anna Borrel pose les éléments mais ne fait que les survoler. Sa société de zone et de rébellion ne sert que de cadre mais  n’est pas exploitée pleinement. Du coup pas mal de choses restent en suspens. Par exemple, elle évoque souvent au début les affrontements aux portes de Paris mais ils n’interviennent jamais dans l’intrigue. Ils restent purement cosmétiques. C’est frustrant, car il y avait matière à creuser de ce côté-là. Malgré tout, le point positif reste l’intrigue. Si c’est au début assez classique avec un certain nombre de lieux communs (un banal polar finalement avec un jeune loup qui joue la carte de sa vie), quelques surprises bienvenues attendent le lecteur à la fin. Elles sauvent ce premier roman un peu raté, mais qui  reste prometteur. Il y a un style efficace et de bonnes idées. Une auteur à suivre.