Lune Enragée

Lune Enragée

Vous savez, ces trucs dont on dit « soit on aime, soit on déteste » ? Pas de bol, je tombe régulièrement au milieu. Harry Potter, par exemple, j’aime bien, mais sans plus. 

Il y a plus d’un parallèle entre Harry Potter et Les Dossiers Dresden. Le prénom du héros, bien sûr. L’ajout d’un côté surnaturel à notre monde réel, évidemment. Le fait que l’auteur de chacun n’ait pas écrit grand-chose avant de devenir soudainement très célèbre grâce à une série « à concept ». La reprise de styles plus anciens : pour l’un, la littérature pour enfants des années 20 à 50, entre Le Club des Cinq et Narnia ; et pour l’autre, la Série Noire et les films de la Hammer. Et puis le phénomène de culte créé par les deux, surtout, qui a mené à une série de films pour Potter et une série télé pour Dresden. Alors quand mes amis anglophones ont commencé à chanter les louanges de Harry Dresden, détective privé, magicien, auxiliaire de police à ses moments alimentaires et sauveur occasionnel du monde (ou au moins de Chicago), je me suis dit qu’il fallait quand même que je jette un œil sur la série.

Dans le roman de genre, les clichés, c’est le meilleur 

Dans un polar à l’ancienne, il y a des traditions à respecter, et dès le début, on n’est pas déçus : ça commence toujours par une brune au tempérament de feu qui vient demander au héros de résoudre son problème. Mais pour le coup, il s’avère que le problème est ailleurs : il y a des cadavres à Chicago, de plus en plus nombreux, qu’on retrouve déchiquetés à chaque pleine lune. Harry Dresden, en tant que seul mage de Chicago avec un tantinet de bouteille et de réputation, est bien vite appelé à l’aide.

Seulement, le garou, c’est du client sérieux, ça ne se taquine pas avec des tours de carte et des pigeons dans les manches. Il va falloir sortir la grosse artillerie, et il n’est pas sûr que ça suffise. Ce qui n’est déjà pas facile face à un seul loup-garou devient carrément cauchemardesque quand on s’aperçoit que Chicago grouille de ce genre de bestioles et qu’on ne peut pas poser un pied en ville sans se le faire bouffer.  

De la viande sur les os

Le cliché peut être une force, quand il établit une complicité entre auteur et lecteur, et quand il sert l’histoire, et pas l’inverse. Parfois, il peut aussi être une faiblesse. Et Lune Enragée n’est pas un livre exempt de faiblesses. Par exemple, les deux grands mystères du livre, le mystère policier (qui est le coupable ?) et le mystère magique (quel genre de créature est donc ce personnage ?) ne sont pas bien mystérieux, et ne devraient pas être une surprise pour quiconque y réfléchit un peu avant que l’auteur ne lui donne la solution. On a vu des traitements plus originaux des loups-garous, et des manières plus innovantes de cacher un grand méchant jusqu’à la fin. 

Et c’est là la vraie épreuve pour un bouquin de ce genre : va-t-il rester intéressant, même si on se doute de la fin de l’intrigue ? Or Lune Enragée s’en sort plus qu’honorablement. C’est une histoire bien ficelée, avec de vraies questions, et surtout un protagoniste crédible et intéressant, qui justifie le choix de la première personne comme narrateur.

Par contre, il y a un certain nombre de facilités, dont je me doute qu’elles font les délices des fans : l’exposition des monstres au début, digne d’un mauvais Buffy, la découverte du passé inconnu et (gasp !) occulte de Harry Dresden, quelques personnages visiblement faits pour accrocher les jeunes lecteurs mais sans grand intérêt. Ce sont des petites scories dont le livre se passerait bien. La série, peut-être pas.