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Leviatown

Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/08/07  -  Livre
ISBN : 9782842194215
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Eric   - le 31/10/2017

Leviatown

Demander à des auteurs confirmés, de se hasarder sur le terrain interlope de la pure littérature de gare est à la fois jubilatoire et particulièrement pervers. Pervers, car l'exercice est bien plus périlleux qu'il n'y paraît.

Dernière incarnation en date des éditions de la Baleine qui s'en sont fait une spécialité, la collection du Club Van Helsing, s'affiche mi-esseffeuse, mi-polardeuse, et ressuscite l'esprit du bon docteur, dont la descendance se retrouve en grande ordonnatrice de la chasse aux monstres.

Et pour cette deuxième volée d'opuscules, Philip Le Roy rejoint le club. Auteur d'une batterie de polars d'action qui oscillent – selon qu'on aime ou pas – entre Maurice G.Dantec et Gérard de Villiers, son incursion dans la littérature de sous-genre n'étonne pas vraiment. Mais pour ce fan de la démesure, qui voit ses intrigues en cinémascope, il n'était pas question de se contenter d'une banale chasse au vampire. En fin exégète de Sun Tzu, Le Roy frappe à la tête, et c'est carrément sur Léviathan, l'un des quatre cardinaux de l'enfer, qu'il lance un contrat.

Ne nous zenérvons pas !

Ouverture sur les décombres du World Trade Center. Un sapeur pompier new yorkais est attiré par la sonnerie d'un téléphone. Un morceau de rock solidement binaire, numérisé pour l'occasion. Il retrouve l'appareil accroché à la main coupée d'une des victime. Décroche. Et se voit poser une question formulée dans une langue étrange à laquelle il ne comprend goutte.

Fondu au noir sur la salle de briefing du manoir anglais du Club, où, dix ans plus tard, Hugo Van Helsing a rassemblé une équipe hétéroclite d'antisociaux notoires, mais dont la propension à l'ultra-violence a trouvé ici un salutaire exutoire. Entre un chasseur de baleine pétomane, mais contempteur de Melville, un ancien Marines chauffeur de salle à Abu Graib, un maître ninja, un esthète du psychotrope et une top model traqueuse de vampire, Le Roy nous présente Samsonite (?), tueuse lesbienne qui marque une prédilection pour le Desert Eagle cailbre .50 et Kathy Khan. Orpheline, la belle enfant fut recueillie jadis par un guerrier solitaire, dans les lointaines steppes asiatiques. À grand renfort d'aphorismes guerriers, il l'initia dès l'enfance aux techniques millénaires du ninjutsu. Devenue une kunoichi (une femme ninja), c'est elle qui va mener le groupe à l'attaque de la Bête.

C'est là que l'héritier du vieux savant batave sort de sa poche un antique modèle de téléphone portable. Celui-là même trouvé jadis dans les décombres de l'attentat du 11 septembre 2001. Il en fait retentir la sonnerie. This is the new shit ! un morceau de Marylin Manson, sorti sur l'album The Golden Age of Grotesque. Paru en 2003.

Ben ça alors !

Ça pourrait n'être que mauvais...

Il est tout d'abord important de se souvenir que nous avons affaire ici à de la littérature de gare. Calculée, assumée et – avec un peu de chance – amusée. C'est donc avec curiosité qu'on attend la prestation de Philip Le Roy. Et on n'est tout d'abord pas déçu. On se laisserait bien aller à dire que les situations sont stéréoptypées, si l'adjectif n'était pas déjà si bien employé pour parler des personnages. Au point presque de donner au mot une nouvelle dimension.

Mais qu'importe, c'est exactement ce que l'on est venu chercher. Mieux même ! Tout ce qu'il y a d'irritant chez l'auteur dans ses romans au Diable Vauvert, tourne ici à son avantage. La métaphore plombée, la punch line qui tue, la référence servile au cinéma d'action le plus nanaresque... tout, tout vous dis-je, fonctionne à merveille. Jusqu'à cette incroyable intrigue de Léviathan s'incarnant dans la Freedom Tower, l'immense tour sensée s'édifier à l'emplacement même du World Trade Center.

Et puis... alors qu'il a en main toutes les cartes pour nous servir un roman crétin et jubilatoire, Le Roy en fait trop. Mais étrangement trop. Sans raison, il dégraisse son équipe, la réduisant à la seule Kathy Khan (descendante de Genghis, vous l'ai-je signalé ?), et à Samsonite, qui, même dans le coup de force, est conne comme une valise. Dès lors, celui qui est au polar ce qu'Henri Loevenbruck est à la fantasy, va systématiquement emprunter les raccourcis dramatiques les plus incongrus. Et il ne va reculer ni devant le ridicule, ni devant le saugrenu. Entre génocide discret, philosophie guerrière pour collectionneurs de reproductions de katanas achetées sur les marchés de province et dialogues lourdingues, on hésite à chaque page entre la consternation la plus absolue, et le rire nerveux. Même les références les plus basiques à la culture pop sont foirées. Ainsi, tout ce qui concerne le rock et l'industrie de la musique est tragiquement pathétique. Et qui plus est truffé d'erreurs. Au passage, même pour de la littérature de gare, un minimum de recherches ne nuit pas. Surtout quand on veut en profiter pour glisser quelques leçons d'histoire du rock ! Philip Le Roy fait certainement autorité en matière de fouetté à la tête et de productions Golan-Globus, mais ses considérations sur la musique passent à mach 7 le mur du con.

... mais en fait c'est pire !

Tout, finalement, du style à l'intrigue, en passant par le mauvais goût se déployant dans le plus infime détail, tout donc concourt pour permettre à Leviatown de rivaliser sans problème avec le pire du pire des aventures du Prince Malko. Vulgaire, indigent, et pour le dire tout simplement scandaleusement honteux, si vraiment vous avez absolument dix euros à gaspiller, mettez-les au bout d'une allumette. Vous ne serez jamais assez désœuvré pour que se justifie le temps perdu à lire cet Everest de nullité.

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