Le Procès Scorpion

Le Procès Scorpion

Uno Scorpione fuori serie. Dans la pure tradition de l’Inquisition romaine, cette juridiction d’exception papale qui se substituait aux tribunaux ecclésiastiques pour les cas extrêmes, un homme d’exception tel que le Scorpion ne pouvait faire l’objet que d’une exception juridictionnelle. C’est fait. Il a son procès secret.

On s'y attendait. Après XIII,  IR$, Giacomo C et bien d'autres, « Lo Scorpione » vient rejoindre la longue série des séries à hors-série. Sérieux. Molto Serioso. Pour les autres, c'est une enquête, un dossier, un carnet, pour le venimeux bretteur, c'est un procès.

Une année sans Scorpion, c’était trop dur à supporter. De 2000 à 2006, 7 albums. On attendait le tome 2 du nouveau cycle en novembre. Et rien. Rien en 2007. C’eût été mortel ! Enrico Marini était accaparé par la nouvelle série Les aigles de Rome, qui paraît en novembre, dont il est le scénariste. Alors Desberg, le scénariste du Scorpion, a été mis à contribution et, à défaut de faire le procès d’Enrico, les éditions Dargaud ont fait celui du héros. Le coupable (à moitié pardonné car la nouvelle série est publiée chez le même éditeur) a dû se fendre de quelques superbes planches. 72 pages et autant d’images. Ce n’est pas rien. Mais il est malin comme un condottiere italien, il a remis un bon ballot de vieux dessins (affiches, esquisses, aquarelles, tirages de tête).

Procès à charge

« J’avais un mois pour détruire, pierre par pierre, le secret d’un rebelle hérétique, chasser la part de mythe, mettre à nu la vérité de son destin et livrer des conclusions dévastatrices qui mèneraient à sa capture et à son exécution. » Celui qui s’exprime ainsi, c’est le mystérieux inquisiteur, forcé par un mystérieux commanditaire, d’instruire le procès d’Armando Catalano à charge. C’est l’occasion, à chaque interrogatoire, d’accabler le Scorpion, de le suivre à la trace et de passer en revue les personnages de la série : Aristote le hussard, Méjaï la charnelle et fielleuse gitane, Monseigneur Valbosco, la famille  Trebaldi (le Cardinal Cosimo et Nelio). Quelques jeunes femmes s’immiscent dans la biographie d’Armando et se glissent lascivement entre les pages jaunies du rapport : Ansea, Rosianna, Zerlina.

Mais le récit ne se résume pas à une succession d’instructions et de personnages. L’inquisiteur rencontre secrètement des personnages, rend des comptes, entrevoit Scorpion, risque sa vie pour les secrets qu’il dévoile dans ses feuillets. C’est lui aussi un personnage de l’histoire. Histoire qui ne s’arrête pas au siècle d’Armando, comme en témoigne le long épilogue.

En attendant Scorpio

Un procès-verbal bien écrit, c'est une alliance de mots. Bien loin de l'oeuvre littéraire. Alors, minutes d’entretien, récit, réminiscences, lettres à l’appui, Desberg ne lésine pas sur les formes narratives pour suppléer l’absence de phylactères. C’est bien rédigé. Bien documenté. C’est prenant et plein de petits clins d’oeil à certains épisodes de la série. On s’instruit : rencontre entre Scorpio et Le Hussard, comment devenir empoisonneuse selon Méjaï, etc.

Les dessins de Marini, centrés sur les personnages, sont superbes et le grand format leur réussit bien. La variété des styles aussi : crayonné, aquarelle bichrome, couleur, portraits en pied détourés, pleines pages en situation, cases. Les 72 pages passent très vite. On en aurait volontiers dégusté le double.

Un hors-série sérieux. Bien ficelé. Décevant pour les amateurs de cases qui ne jurent que par le prochain tome 8. Mais, subjugués par l’élégance des images et l’intelligence du récit, ils seront agréablement surpris. Ce numéro 7 bis, ce n’est pas un piège commercial, ni de la vente forcée. C'est une parenthèse apéritive. Le hors-série devient un genre en lui-même. En attendant Scorpione otto, c’est un bon hors-série. Un peu alimentaire, mais bon quand même.