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Camouflage (V.O)

Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/07  -  Livre
ISBN : 9780441012527
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David Skurnik   - le 31/10/2017

Camouflage (V.O)

Surtout connu en France pour La Guerre éternelle (1974, prix Hugo et Nébula), Joe Haldeman est un ancien scientifique (études d’astronomie notamment), ancien militaire (guerre du Vietnam). Il est relativement peu traduit en France exception faite des deux suites de La Guerre éternelle (La Paix éternelle, La Liberté éternelle) et de Pontesprit. Ce dernier roman ayant la particularité d’avoir une thématique passionnante mais… une fin plus que bâclée. L’ensemble de l’œuvre de l’auteur laisse donc une impression mitigée, mais plutôt favorable. Stephen King aurait d’ailleurs dit de lui que s’il devait y avoir un Fort Knox des écrivains de science-fiction, Haldeman devrait être le premier à devoir être enfermé !

Prise en charge d’un Artefact d’origine inconnue

Année 2020 :

Un artefact sous-marin, de nature indéterminée, est découvert par un l'amiral Jack Halliburton. Cet artefact étant très probablement d'origine non humaine, Halliburton cache sa découverte, démissionne de l’armée, et le fait opportunément découvrir par une société privée, rendue célèbre notamment par la récupération de l’épave du Titanic.

Première difficulté, comment remorquer un objet, de la taille d’un char de combat, avec une densité telle que son poids est, au sens propre du terme, incommensurable ? Autrement dit un objet inamovible.

Puis, tout logiquement, deuxième difficulté : comment étudier un objet indestructible, et sur  lequel donc toutes les manipulations scientifiques imaginables restent sans effet ?

Enfin, si jamais cet artefact était, d’une manière ou d’une autre, doté d’un moyen de communication, comment entrer en contact, alors que la structure de pensée sous-jacente peut aussi bien venir d’une autre galaxie, d’une autre dimension, voire d’un autre temps ?

Mais dans Camouflage, il n’y a pas que des artefacts, il y aussi de véritables E.T :

En effet, à l'image d'une lumière vive attirant les papillons de nuit, les efforts des êtres humains pour étudier l'artefact et la médiatisation qui en découle, attirent tout naturellement l'attention de tous les êtres non-humains résidents sur notre petite planète bleue. Et deux d'entre eux plus particulièrement : le « Métamorphe » et le « Caméléon ».

Le premier peut prendre l’apparence de tout être vivant ou objet s’il en a envie. Il est sur Terre depuis au moins un million d’années. Il s'est manifesté  tout d'abord sous l’apparence d’un grand requin blanc, qui lui semblait être le sommet de la chaîne alimentaire, puis celle d’un orque. Enfin, au début du XXème siècle il prend pour la première fois la forme du nouvel « être suprême » de la Terre : l’Homme.

Le deuxième est sur Terre depuis l’âge de pierre, toujours sous forme humaine, toujours sous la forme d’un mâle dominant.

Tous les deux semblent aussi bien immortels qu’invulnérables.

Donc, parallèlement à l’avancée de l’intrigue « humaine » sur l’étude de l’artefact, le récit rapportera la montée en puissance de cette inévitable rencontre.

Trois point forts… mais c'est tout (ou presque)

L’intrusion d’un élément du monde de l’Imaginaire dans le monde réel, et la réaction qu’il provoque sur le monde contemporain, est toujours quelque chose d’intéressant. Que ce soient des éléments mythologiques (Les Puissances de l’invisible de Tim Powers), fantastiques (L’Echiquier du mal de Dan Simmons) ou de science-fiction comme dans le présent ouvrage. Et Joe Haldeman s’en tire plutôt bien : l’étude de l’artefact se fait pas à pas, avec un lecteur qui peut suivre et participer. La cohérence interne est respectée, et à chaque nouvelle difficulté, les solutions proposées sont logiques. Et ce sont bien des outils quasi « actuels » que les personnages vont utiliser.

Jusque là, pas grand-chose à redire. Il s’agit du premier point fort du récit.

Malheureusement, l’auteur n’a pas creusé cette voie jusqu’au bout. Préférant y ajouter une autre intrigue, avec des E.T.

Conséquence : deux sabordages en règles !

Tout d'abord dans la manière superficielle qu'a l'auteur d'aborder les personnages humains, qui n’ont, pour la quasi-totalité d’entre eux, aucune consistance.

Ensuite, lors de la description de l’atmosphère d’un laboratoire de recherche se penchant sur la probable plus grande découverte de tous les temps. L'attente était particulièrement grande. Le résultat n'en est donc que plus décevant. Aucune âme, aucune chaleur, aucune émotion. C’est pourtant dans ce lieu que plus de la moitié de l’intrigue se développe.

Bref, une intrigue humaine intéressante, passionnante par moment. Mais sans grande consistance il faut bien l’avouer.

Quant à l’intrigue mettant en scène les E.T, pour les neuf dixièmes, elle concerne le Métamorphe. Choix de l’auteur qui ne se discute certes pas. Mais là aussi, le travail nous semble incomplet.

La description de la personnalité du Métamorphe est très correcte. Sa prise de contact avec l’espèce humaine, l’évolution progressive de sa mentalité, son regard sur les USA du XXème siècle se lisent agréablement et constitue même le deuxième point fort du récit.

Mais bong sang, pourquoi dans ce cas Haldeman s'est-il contenté d'un personnage du Caméléon avec une personnalité aussi mince ? L'auteur a en effet décidé qu'il serait le « méchant » de l’histoire. Ni plus ni moins. Et si jamais, cher lecteur tu avais un doute, l'auteur t'aidera en décrivant pendant tout un chapitre les points communs de l'alien avec son jumeau spirituel. En l'occurence l'un des principaux symboles de la barbarie nazi, le Dr Mengele en personne.

Reste un dernier point positif : un rebondissement vers la fin du livre, qui m’a vraiment surpris. Il aurait même pu ouvrir la voie à une fin en apothéose qui l'aurait fait changer de catégorie. Mais Haldeman a préféré finir sur un deus ex machina hâtif, suivi d’une happy end ridicule…

Pour le métro et pour le bus

Au total : une lecture agréable, ne le nions pas. Mais un potentiel énorme, gâché par un sentiment de travail inachevé. Ce livre pouvait (devait !) être un grand livre, il n’en est rien. Il se contente d'être un gentil petit roman.

À lire dans les transports en commun.

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