Jeunesse
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Le Grand Piano noir

Olivier Silloray ( Auteur), Studio Bayard (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/08  -  Jeunesse
ISBN : 9782747024488
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Christian   - le 31/10/2017

Le Grand Piano noir

Dans son premier roman jeunesse La Marmite du diable (2006), Olivier Silloray permettait à son héros de réhabiliter son père, spéléologue mort d’un cancer foudroyant, en prouvant que la grotte préhistorique qu’il avait découverte n’était pas un leurre. Ce second roman Le Grand Piano noir, également publié chez Bayard Jeunesse, aborde un autre univers : celui de la musique classique, dans une atmosphère de compétition acharnée. Cette fois-ci, l’auteur a fait le choix d’une héroïne. Comme le Nicolas de son premier roman, Caroline, une jeune fille de 17-18 ans, doute d’elle-même et cherche sa vocation. Si elle ne songe pas au suicide, elle flirte avec l’idée d’arrêter le piano malgré les sacrifices de son ami et de sa famille. Son père, chômeur, dépressif, est, d’une certaine manière, absent lui aussi. C’est l’amour, ou du moins une amitié qui lui ressemble, qui donnera la force à Caroline de s’accomplir et de trouver sa voie dans un monde sans pitié.

L’angoisse devant les touches blanches

Caroline a tout pour devenir une grande pianiste, mais ses trous de mémoire et son manque de confiance en elle la trahissent au moment des auditions. Lors d’un stage d’été, tandis qu’elle envisage d’arrêter le piano, Jean-Charles, un pianiste très doué aux allures de play-boy, semble s’intéresser à elle. Peu à peu, grâce à Jean-Charles qui vient étudier à Paris, ses difficultés (conflit avec l’un des professeurs du conservatoire, père au chômage, distance à parcourir pour suivre les cours, piano défectueux) vont miraculeusement s’estomper. Elle délaisse son petit ami Kévin et se rapproche de Jean-Charles. Puis le miracle opère : elle va enfin s’écouter, découvrir son talent artistique et se battre pour devenir professionnelle. Mais cette heureuse résurrection repose sur un grand malentendu…

D’amour et de travail


En 10 chapitres et 230 pages, Olivier Silloray réussit son double pari : celui de faire découvrir le monde impitoyable d’une pianiste virtuose et celui d’initier le lecteur aux vertus et aux pièges de l’amour. Sur le premier point, on appréciera le talent avec lequel les angoisses de l’élève douée, mais faillible, sont restituées, mais on notera surtout les descriptions des jeux musicaux des pianistes et des musiciens qui les accompagnent. Certains moments épiques, jubilatoires (concert de Schneider, interprétations euphoriques de Caroline) traduisent avec force les émotions intenses que procurent les grandes interprétations du répertoire. Sur le second point, la double relation, hypocrite entre Caroline et Kévin, ambiguë entre Jean-Charles et Caroline, est une leçon de vie sur les  duplicités de l’amitié et de l’amour. Mais l’auteur se veut optimiste : ce qui compte, c’est l’énergie qu’on en tire, c’est la transformation du monde, sa propre mutation au service de l’autre (Jean-Charles, Kévin) ou de soi (Caroline).

Cette sortie d’adolescence dans un monde difficile se veut apaisante. Les relations avec les adultes sont souvent conflictuelles (avec le maître, les parents de Caroline), mais ils sont finalement des médiateurs bienveillants avec le futur (le rôle de la tante de Jean-Charles est, à cet égard, exemplaire). Ils ont souffert eux aussi et ils en ont tiré des enseignements utiles.

Sur le plan narratif, le point de vue est celui de Caroline. Il se déroule comme un journal intérieur. Nous partageons ses émotions au fil des événements. L’écriture est nerveuse, un peu sèche, non dénuée d’humour et d’autodérision. Caroline ne s’épanche pas. Elle constate son changement, mais ne donne pas le sentiment d’en être l’actrice. Elle refuse de s’avouer tout sentiment amoureux. Elle examine les émois de ceux qui l’entourent avec lucidité et amusement. Dans son for intérieur, elle est encore adolescente. C’est le travail, la consécration professionnelle et non l’amour qui est la clé d’accès au statut d’adulte. Mais le lecteur n’est pas dupe.

Dur, dur de devenir une pianiste. Mais, au final, le grand piano n’est pas si noir que ça.
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