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Le Désert blanc

Luc Brahy (Dessinateur), Achille Braquelaire (Scénariste), Eric Corbeyran (Scénariste), Bérengère Marquebreucq (Coloriste)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/05/08  -  BD
ISBN : 9782505003465
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Christian   - le 31/10/2017

Le Désert blanc

Relooking extrême chez Dargaud. Il faut croire que la série Imago Mundi (10 albums parus de 2003 à 2007) ne séduisait pas suffisamment les foules ou n'était pas suffisamment dans l'air du temps. Elle est donc devenue Climax. Climat et conditions extrêmes. Des méandres de la géologie terrestre passés au crible de l'image de synthèse, nous explorons cette  fois les régions inhospitalières du globe au nom du changement climatique. Une nouvelle série à vocation écologique avec le même trio d'acteurs : le suédois Harald Haarfager, visionnaire au bras long, le physicien français Loïc Mellionnec et la jeune informaticienne anglaise Léia Lewis.

Autre trio reconstitué pour l'occasion, celui des auteurs Eric Corbeyran, Achille Braquelaire côté scénario et Luc Brahy côté dessin. On peut, d'ailleurs, parler de quatuor puisque Bérengère Marquebreucq les accompagne aux couleurs depuis le début d'Imago Mundi. Eric Corbeyran, le scénariste aux soixante séries, dont les fameux Chants des stryges, veille sur le cycle, lui assurant sa notoriété et lui garantissant un savoir-faire stylistique. Achille Braquelaire, informaticien et universitaire, apporte ses connaissances scientifiques et ses talents interdisciplinaires. Luc Brahy, quant à lui, dessinateur par ailleurs de la série Oukaze, assure au cycle une production régulière de deux albums par an dans un univers réaliste et visuellement bien documenté.

Une nouvelle série ambitieuse qui part sur des bases bien établies.

Blanc comme la mort


Protégée derrière un bloc de glace, une exploratrice résignée s’apprête à mourir dans le désert blanc de l’Antarctique. Quelques mois plus tôt, la même Léia plonge dans une belle piscine d’intérieur, en attendant une mission d’exploration canadienne qui ne vient pas. L’équipe d’Imago Mundi, récemment spécialisée dans la détection laser des couches terrestres, a du mal à admettre l’interdiction temporaire de l’utilisation d'une technologie jugée dangereuse pour ses manipulateurs. Cet oukase n'est-il d'ailleurs pas plus politique que prophylactique ?

Comme un pis aller, Léia se voit donc confier une nouvelle mission au Pôle Sud dans la base française de Dumont d’Urville. Elle se rend sur place et s’installe, dans une ambiance froide et masculine. Sans se douter réellement des dangers qui l’attendent...

Images contrastées


Le scénario est propre et équilibré. Des rappels à la série précédente avec la situation financière difficile de l'agence qui doit interrompre une mission et quelques flashbacks affectifs pour Léia. Dès la deuxième case, la rupture est annoncée : « Rien à voir avec nos précédentes missions ». La mission scientifique est rapidement menée en Antarctique partagée entre la belle solennité du paysage et le glauque étriqué du quotidien dans des baraquements de survie. La tension narrative naît de la découverte par Léia d'une mystification scientifique. Des données globales sur l'évolution climatique semblent être falsifiées. Dès lors sa vie est en danger et dieu sait quelles issues mortelles la guette dans un environnement physiquement et socialement hostile...

La série tombe volontiers dans les poncifs américains de bon aloi : les membres de l'équipe sont des surdoués de la physique et de l'informatique. Ils sont beaux, sûrs d'eux, physiquement et mentalement au top. Bref, des êtres très improbables, mais des personnages très convenus. Capables de s'adapter à n'importe quel environnement, on se demande pourquoi ils s'inquiètent tant de l'évolution climatique de la planète...

L'exotisme de l'Antarctique et la maîtrise de technologies de pointe donnent des allures SF à cette série qui s'attache, en définitive, à un réalisme scientifique plutôt académique. Nous sommes, en fait, plus près de la série d'aventure et d'espionnage bien documentée.

Le dessin de Brahy est resté le même. Précis, fluide, attiré par les visages. Ceux des femmes sont très réussis. Lorsque les effets de couleur l'emportent sur l'élégance des contours, les visages sont moins fins et on est au bord du changement de style. Mais cette prédominance des couleurs et des ombres pas toujours bienvenue sur les visages est, en revanche, d'un effet impressionnant sur les paysages de glace. La première planche, tout en peinture photographique, flashe comme un extrait de La Marche de l'Empereur. Les paysages à dominante colorée contrastent avec la rigueur élégante des traits des personnages et des objets. Le mélange des deux styles (les paysages sont traités de deux manières ; photographiques dans la lumière et presque impressionnistes dans les dominantes d'ombre noire) paraît un peu étrange mais, au final, il renforce l'antagonisme entre la vie sociale de Léia et l'environnement, lumineux ou mortel. On retrouve cette opposition dans les tonalités : ambiance blanche et bleue, contrariée par l’orangé des visages et assombrie par les couleurs marron et grises des tenues scientifiques.

Rien de nouveau sous le soleil antarctique si ce n'est donc une aventure habilement racontée et des images d'un exotisme glacé. Un bon début de série, dans l'air gelé du temps et au-dessus de la moyenne des productions actuelles. De quoi redorer l'image du monde ?

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