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Fantaisie printanière

Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/08/08  -  BD
ISBN : 9782841724390
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Virginie   - le 27/09/2018

Fantaisie printanière

L’énigmatique, l’absurde, la rêverie : une triade non exhaustive qui constitue les thématiques phares de l’œuvre polymorphe de Quentin Faucompré. Diplomé des Beaux-Arts, Faucompré construit des récits graphiques, a publié le second volume collectif du Grand Hotel Orbis, et expose ses dessins de par le monde.

Un étrange déjeuner sur l’herbe

Trois clones déjeunent dans un jardin. Leurs yeux plissés et leurs petits sourires satisfaits nous mettent la puce à l’oreille : la petite scène de genre, le déjeuner au jardin joliment fleuri ne sera pas l’ouverture d’un récit graphique fleurant bon le bucolique et les bons sentiments. Une atmosphère d’inquiétante étrangeté se trouve injectée dès la première planche, et très vite la machine s’emballe, les clones nous embarquent dans une course poursuite mêlant colin-maillard et lancers de couteaux… Leur route croise celle de femmes en burqa qui deviendront d’étranges partenaires de jeu.

Fantaisie au royaume de l’absurde

Littéralement, une fantaisie est une œuvre où l'imagination se donne libre cours sans souci des règles formelles. Fantaisie printanière nous propose ainsi de plonger dans un fantasme de l’auteur, une sorte de rêverie diurne acerbe où s’entrechoquent des éléments aussi improbables que des femmes en burqa et des majorettes, avec pour fond un lieu unique : le jardin. C’est ainsi qu’il faut entendre le titre de l’œuvre et non comme un joli récit léger sur accords de printemps…

Pour apprécier l’œuvre, il ne faut pas chercher de fil conducteur autre que la loi de l’absurde, sous peine de refermer l’album bredouille. Ce qui intéresse Quentin Faucompré, c’est avant tout de générer le contraste et de naviguer sans cesse sur ce point d’équilibre fragile. Ses ingrédients sont en premier l’alliance d’un dessin minimaliste, avec un trait proche de la ligne claire et une gamme de couleurs très réduite, noir et blanc additionné d’un vert pastel, et un contenu des plus acides.

Où Haneke se profile en ombre chinoise

Les trois clones, personnages principaux que l’on découvre hilares au cours de leur déjeuner sur l’herbe, se lancent dans une après-midi de jeux enfantins mais dont la pratique prend vite un tour pervers : les voilà qui tirent leur amusement de souffrances infligées à leurs partenaires de jeu. Il y a dans cette histoire quelque chose d’un nouveau Funny Games sans paroles, sans résonnances de cris, et sans focalisation sur les victimes. Les victimes n’ont pas d’identité précise, elles sont seulement définies dans le flou par un code vestimentaire qui les fait entrer dans une catégorie sociale ou culturelle. Elles sont réduites à de simples objets dont on peut, par le jeu, métamorphoser la nature : les femmes voilées deviennent majorettes entre les mains des clones, par un tour de passe-passe que l’on vous laisse découvrir.

Les trois clones, dès lors, apparaissent comme de véritables prestidigitateurs au pouvoir infini, capables de réaliser tout ce que leurs pulsions destructrices leur soufflent. L’œuvre devient la démonstration du pouvoir de la rêverie (ici plutôt cruelle, c’est un euphémisme) et le jardin printanier une image de cet illimité champ des possibles.

Quelques précautions sont à prendre avant de se lancer dans la lecture de cette œuvre intéressante : savoir que l’album que l’on tient entre ses mains s’aborde plus comme un parcours artistique guidé par une démarche conceptuelle que comme un récit graphique dit « classique » ; s’attendre aussi à en constater peut-être violemment les effets, à savoir que la perversité des personnages peut susciter un certain écœurement. Ne pas se fier, donc, au rose layette de la couverture et ne pas oublier que Faucompré est un artiste très malin qui nous donne à lire un récit graphique jalonné de chausses trappes…

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