Jeunesse
Photo de Le Rêve de Miranda

Le Rêve de Miranda

Amandine Labarre (Illustrateur de couverture), Marianne Eschbach ( Auteur), Christina Stange-Fayos (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 29/01/09  -  Jeunesse
ISBN : 9782841724321
Commenter
Lavadou   - le 27/09/2018

Le Rêve de Miranda

Chez les amateurs de littératures de l’imaginaire, le nom d’Eschbach s’est fait une belle réputation avec Andreas, auteur allemand de Des milliards de tapis de cheveux et de Jésus video, entre autres. Il va falloir maintenant compter avec Marianne, son épouse, qui vit avec lui en Bretagne, et dont Le Rêve de Miranda est le premier roman. Si Andreas est plutôt spécialisé SF, Marianne a choisi la fantasy initiatique pour écrire son histoire à destination des jeunes lecteurs.

Sauver les pays de l’Autre Côté

Martin est au bord du désespoir. Sa sœur Miranda a été victime d’un accident et se trouve entre la vie et la mort. Alors qu’il erre dans les rues de la ville, il est abordé par un pélican. Un pélican qui parle. Celui-ci le convie à une grande assemblée des animaux au parc zoologique qui a pour but de sauver Miranda. La jeune fille fait en effet partie d’un groupe d’enfants devant sauver les pays de l’Autre Côté, qui font partie du Grand Rêve. Ce Grand Rêve est un songe commun à tous les enfants de la ville. Mais ceux-ci semblent de moins en moins enclins à rêver, et les pays de l’Autre Côté sont en danger. Martin pénètre alors dans les territoires du Grand Rêve avec Petit Ours, Émilie la chouette et Frédéric le pélican pour trouver Mardouk, le maître du temps, et lui demander d’accorder plus de temps de vie à Miranda, afin que celle-ci puisse accomplir sa mission.

Un conte initiatique sur les traces de Peter Pan et d’Alice au pays des merveilles

Malgré un début plutôt sombre et mélancolique, Le Rêve de Miranda s’avère être avant tout une fable fantaisiste au ton léger et humoristique. Une histoire invitant au rêve, avec des personnages attachants et réconfortants – les animaux ont indéniablement un pouvoir rassurant. Tout cela n’est pas sans rappeler deux œuvres majeures de la littérature pour enfants. Tout d’abord, les pays de l’Autre Côté font inévitablement penser au Neverland de Peter Pan, évoquant la quête de l’enfance éternelle et le pouvoir de l’imagination sur les êtres et les choses. Marianne Eschbach convie également Lewis Carroll : la structure du roman, en forme de récit initiatique, rappelle Alice au pays des merveilles. La quête des héros croise en effet la route de nombreux personnages tous plus farfelus les uns que les autres, empêtrés dans des situations parfois absurdes. Autant d’occasions pour Martin et ses amis de prouver leur bravoure et se découvrir eux-mêmes.

Car c’est avant tout de cela dont il s’agit, et Martin en est la preuve flagrante. Au départ, on a du mal à s’attacher à ce garçon arrogant et un peu égoïste qui, bien qu’animé d’une farouche volonté de sauver sa sœur, n’est pas très sûr de ses motivations. Il va petit à petit découvrir la solidarité, le courage, et finalement plonger au fond de son âme pour trouver le sens de son existence. Cette progression est admirablement bien rendue par l’auteur, qui a su y aller par petites touches, avec subtilité. Marianne Eschbach en profite pour introduire quelques morales certes peu originales, mais bien amenées. On notera particulièrement la scène des stalactites combattant les stalagmites, ode contre la bêtise de la guerre et pour l’acceptation des différences – qui se révèlent bien plus ténues que ce que laissent croire les apparences. On lira également quelques pensées sur le destin et le bonheur qu’il n’est jamais inutile de rappeler. Enfin, l’auteur adopte un discours pas si naïf ni manichéen sur les sentiments : « La colère, l’envie, la jalousie font partie intégrante des sentiments humains. Cela n’a rien d’anormal, car ces penchants participent de la nature et ne font de dégâts que si l’on nie les éprouver ». Se connaître et s’accepter tel que l’on est : voici le principal enseignement de ce livre.

Un monde foisonnant de merveilles

Le Rêve de Miranda possède par ailleurs un univers très riche. Celui-ci n’est pas exempt de défauts. On a parfois du mal à appréhender les décors, peu décrits par l’auteur. Et de temps en temps, des raccourcis rompent le rythme de l’action, nous empêchant de la visualiser correctement. Mais Marianne Eschbach réussit malgré cela à évoquer un monde foisonnant de merveilles. Par nature, les pays de l’Autre Côté, puisqu’ils sont issus des rêves, sont en perpétuel changement : « N’as-tu donc pas remarqué que les pays de l’Autre Côté n’existent pas indépendamment de tes amis et de toi ? Ce pays renaît pour chacun de ses visiteurs, à chaque fois. Il ne peut pas en être autrement. C’est le propre du fantastique, du merveilleux ». Au passage, l’auteur édicte ici une définition de l’imaginaire qui n’est pas dénuée de sens. De plus, elle parvient à fusionner des concepts antinomiques comme l’espace et le temps, en transformant les idées en choses concrètes – voir le muscardin qui se secoue pour « faire tomber un reste de sommeil de son pelage », ou bien le forgeron du destin qui fabrique des maladies. C’est simple et parfois un peu confus, mais cela stimule l’imagination.

Au-delà de ces décors, Eschbach présente une galerie de personnages variés et particulièrement bien campés. On sera ainsi impressionné par Mardouk, qui offre une très belle scène, avec sa salive à l’origine des gouttes de temps ; ou par le Scorpion Rouge et la Chasseresse Blanche, si différents et pourtant indispensables l’un à l’autre, qui seront la clé de la survie du Grand Rêve. Un Grand Rêve qui fait l’objet d’une explication finale à la hauteur de nos attentes.

Une belle réussite

Marianne Eschbach n’a donc pas à rougir de la comparaison avec son illustre mari. Même si ce premier roman présente quelques légers défauts dans la narration et la description des décors, il est une véritable invitation au rêve et se pose en défenseur ardent du merveilleux. Rien de tel pour accompagner les enfants dans la construction de leur imaginaire.

Genres / Mots-clés

Partager cet article

Qu'en pensez-vous ?