Andreas Eschbach est un auteur allemand qui commence sa carrière d'écrivain en 1991. Il perce véritablement en 1995 avec son premier roman,
Des milliards de tapis de cheveux (Grand Prix de l'Imaginaire 2001). Il a depuis écrit d'autres romans, dont
Jésus Vidéo qui a été adapté à la télévision,
Station solaire ou
Le Dernier de son espèce.
L'Atalante, éditeur qui a publié en France quasiment toutes les œuvres de Eschbach, livre ici le dernier ouvrage de l'auteur allemand, dans sa collection Insomniaque et ferroviaire. Ce n'est donc pas comme roman de science-fiction que
En panne sèche est publié. Il est vrai que cette chronique d'une société moderne qui connaît la fin de l'ère du pétrole se déroule dans un avenir extrêmement proche, sans différence avec notre présent.
Le jeune Allemand et le pétrole. Markus Westermann est un jeune homme ambitieux, commercial dans une société d'informatique, qui veut vivre le rêve américain.
il vient en mission aux États-Unis, en principe pour une durée limitée, mais est bien décider à y rester. Il fait la rencontre de Karl Block, inventeur autrichien d'une technique inédite de prospection de pétrole. Voilà la chance que Markus attendait de devenir le milliardaire qu'il a toujours rêvé d'être.
Mais l'industrie du pétrole est un univers impitoyable, aux enjeux financiers sans aucune mesure. Surtout quand ce dernier vient subitement à manquer. Markus est pourtant bien décider à accomplir son rêve de pouvoir et de richesse...
Récit instructif d'une ascension sociale. En panne sèche se divise en deux parties. La première raconte l'ascension sociale du personnage principal, Markus Westermann. Au travers de son parcours atypique, de commercial dans une société d'informatique jusqu'à celle de businessman créant sa
start-up dans le domaine du pétrole, Andreas Eschbach nous livre une vision d'une précision sidérante de la prospection de l'or noir.
Markus est un simple commercial, mais ambitieux et persuadé que le rêve américain existe, que les États-Unis sont ce pays où il est possible de réussir, simplement en le voulant et en saisissant la chance qui s'offre à vous. Or, lorsqu'il rencontre Karl Block, Markus comprend qu'il tient justement celle qui lui permettra de devenir riche. Après la rencontre entre le héros et l'Autrichien, le lecteur va véritablement être immergé dans l'univers fascinant du pétrole.
Car
En panne sèche est un des romans les plus instructifs qu'il soit possible de lire. À l'issue de la lecture du livre, on a appris un tas de choses, parfois de façon très précise, sur l'histoire de l'exploitation du pétrole, sur les techniques de prospection et d'extraction de l'or noir et les enjeux politiques – et géopolitiques – de ces dernières. Et cela, sans s'ennuyer une seule seconde ! Eschbach amène habilement les explications techniques, économiques, historiques ou politiques en les insérant sans rupture dans le récit, ou justement par des sauts dans le passé (parfois assez lointain) qui éclaircissent la lanterne du lecteur.
La construction de l'histoire est d'ailleurs digne d'être relevée. L'auteur alterne scènes du présent et du passé, pour en arriver tranquillement, mais sûrement, à l'explication des événements décrits dans les toutes premières pages du roman : un accident de voiture subi par Markus Westermann. L'intérêt du lecteur est capté dès les premières lignes du livre et maintenu, au début, par les réponses qu'il attend au sujet de cet accident, puis ensuite naturellement par le sujet principal du roman, à savoir le pétrole, qui pourrait pourtant, à première vue, en rebuter plus d'un.
Manuel de survie sans pétrole. La fin de cette première et passionnante partie du roman s'achève sur une crise mondiale du pétrole. La deuxième moitié de
En panne sèche décrit donc naturellement les conséquences de cette « catastrophe ».
C'est là que les personnages du livre prennent toute leur importance, notamment la sœur de Markus et sa petite famille de la classe moyenne allemande. Ils sont les victimes ordinaires de la fin de l'ère du pétrole, quand l'or noir tend à manquer alors que le monde n'y est pas préparé... car il ne s'y est pas préparé ! En somme, ce qui pourrait tout à fait nous arriver...
Cette deuxième moitié du roman est d'une justesse et d'une précision absolue. Eschbach pense à tout : comment chaque secteur de l'économie, chaque pan de la société, chaque pays va faire face au manque de pétrole. À tel point que cette seconde partie de
En panne sèche est un véritable manuel de survie sans l'or noir. L'auteur allemand offre tout un tas de pistes pour anticiper la fin de l'ère du pétrole : les sources d'énergie alternatives, la prévision du manque de tout, ce que les gens devraient apprendre pour survivre,
et caetera.
Il en profite aussi pour critiquer amèrement l'
american way of life, cette utilisation abusive de l'automobile, cette dépense sans restriction de l'énergie vers laquelle nous nous dirigeons en Europe – peut-être toutefois moins vite qu'avant car il y a une prise conscience. Eschbach est surtout très dur vis-à-vis de la politique étrangère des États-Unis et de leur impérialisme déguisé. Voilà encore un aspect extrêmement intéressant de
En panne sèche.
Tout au long de la deuxième partie du roman, le héros court après un moyen de mettre fin à la crise. Il mène ainsi des recherches qui sont, avouons-le, un peu utopiques mais qui finalement, aboutiront. C'est peut-être là que Eschbach faiblit. Il use de quelques facilités pour achever son roman sur une note d'espoir. Car s'il a raison de croire que l'humanité survivrait à la crise et que malgré le malheur que représenterait la disparition du pétrole, il en ressortirait sans doute aussi du bon, ce n'est sans nul doute pas grâce à un seul homme comme Markus. De plus, le héros fait preuve de pas mal de chance pour accomplir son destin.
Mais il fallait sans doute une fin relativement heureuse à un roman qui est assez démoralisant. Il révèle si clairement ce qui nous attend, on découvre tant de choses qui montrent que nous courons à la catastrophe, qu'il y a de quoi être un peu chamboulé. Mais on referme
En panne sèche avec l'espoir que l'avenir, même s'il est terrible, ne sera pas la fin du monde, mais un recommencement...
Un livre exceptionnel. En panne sèche est un roman d'une grande qualité. Sans aucun défaut majeur, bien écrit, bien construit, bourré de suspense, de rebondissements, instructif, le dernier Eschbach fait démarrer l'année littéraire 2009 à un très haut niveau de qualité.
C'est un de ces livres à mettre entre toutes les mains. On y apprend tellement de choses sur notre société, notre économie, qu'il serait dommage de passer à côté. De plus, s'il dépeint de façon démoralisante – simplement véridique – ce qui nous pend au nez dans les dizaines d'années à venir, la note d'espoir finale permet d'en achever la lecture avec un plaisir non contenu.
Eschbach n'a sûrement pas écrit
En panne sèche pour divertir le lecteur. C'est un cri d'alarme, un avertissement. Nous savons que nous devons nous préparer à l'inévitable tarissement des sources d'or noir. Mais serons-nous assez intelligents pour le faire dans les temps ?