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A l'orée sombre

Amandine Labarre (Illustrateur de couverture), Elisabeth Ebory ( Auteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 24/03/09  -  Livre
ISBN : 9782917718070
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raphael   - le 31/10/2017

A l'orée sombre

Elisabeth Ebory s’est fait connaître en publiant depuis quelques années des nouvelles sur différents supports, notamment dans diverses anthologies des défuntes éditions de l’Oxymore. Après une nouvelle dans l’anthologie Aube & Crépuscule, elle publie son premier recueil aux éditions Griffe d’Encre, sous une jolie couverture signée Amandine Labarre.

Originalité et redondance

Au menu de ce recueil, donc, treize nouvelles dont dix inédites, organisées selon un plan en trois parties, aux titres évocateurs : Le crépuscule des fugues, Dans les branchages, le souffle noir et Légère musique de pluie.

Du recueil émergent quelques thématiques récurrentes : l'emploi de personnages relativement jeunes et en panne de repères, celle de la solitude, de la fuite dans toutes ses dimensions (fugue dans Qu'il neige, projection dans un univers fantasmé dans À l'assaut...) ou de la distorsion de la réalité ; car cette orée sombre, c’est aussi celle de la frontière entre la réalité et le rêve, parfois bien ténue… Certaines figures classiques – des fées, des dragons, des elfes – sont reprises mais l’auteure en livre des versions assez personnelles, et pas franchement bienveillantes.
Les nouvelles se déroulent dans un environnement urbain nocturne, hormis deux trois écarts en pleine nature. L'ouvrage est plus varié en ce qui concerne le sexe des personnages principaux; de même, la narration alterne entre la première et la troisième personne, y compris parfois au sein d'une même nouvelle. Hétérogène sur la forme, À l'orée sombre l'est un peu moins sur le fond. La tonalité d’ensemble est plutôt sombre et la plume d’Elisabeth Ebory  très fluide, agréable à lire en dépit d’une tendance à la répétition – manifestement volontaire mais quand même un chouïa trop usitée. L’auteure développe son univers personnel par le biais d’une écriture introspective, elliptique, lyrique et onirique. Certaines tendances esthétiques sont reprises en filigrane le long du recueil : c’est le cas des nuances chromatiques, ainsi que de l’encre, par exemple ; cela concourt à la création d'une atmosphère particulière, mais d'aucuns pourront regretter leur utilisation à outrance.

De bonnes trouvailles

Au rayon des nouvelles qui se détachent par leur qualité, signalons Qu’il neige, nouvelle d’introduction, dans laquelle un adolescent mélancolique est attiré par l’appel d’un Elfe mystérieux niché dans les arbres du parc voisin ; phénomène qui lui rappelle curieusement la trame d'une BD appartenant à son père… Une très belle entrée en matière, à la chute un poil prévisible mais globalement bien traitée, illustrant efficacement le contenu du recueil.
Avec Our Paradise  nous nous retrouvons au cœur d’une forêt où des créatures ombrageuses sortent la nuit pour « cueillir des choses qui brillent », un jeune homme mutique attend inlassablement l’arrivée d’une « fée ». Un texte un brin elliptique mais réussi dans l’ambiance et le décor qu’elle pose.
Dans Rêve, c'est une jeune étudiante enferrée dans une morne routine qui s’évade par ses rêves. Dans l’un d’entre eux, elle rencontre un jeune homme avec qui elle part en balade sur les cimes de l’arbre-étoile… Une nouvelle reposant sur un effet miroir et qui, par sa douceur, contraste avec le reste du recueil.

La dernière partie – Légère musique de pluie – est peut-être la meilleure de toutes : Alexeï/Cendre met en place une trame fourmillante au milieu d’un décor fait de pluie et de miroirs brisés laissant échapper leurs "occupants". Ici aussi, la nouvelle prévaut par son ambiance.
Dans Un soir, comme on embrasse, un chanteur déchu, son groupe et un fan qui les suit partout vont donner un concert dans une ville assez étrange. Elisabeth Ebory y exploite la figure de la fée ravisseuse. Une nouvelle intéressante par son décor et la relation qu’entretient le jeune homme vis-à-vis du chanteur.

ContrAverses achève le tout sur une bonne note, en proposant une course poursuite entre deux femmes et un jeune homme, les premières voulant priver le second de pouvoirs magiques qu’il ne maîtrise pas. Dans cette nouvelle, les protagonistes peuvent à loisir remodeler physiquement le décor, et la magie est perceptible aux initiés par l’intermédiaire de volutes d’encre ondulant au sein des artères de la ville.

A l'arrivée, un bon recueil malgré quelques menus défauts

Alors, évidemment, ce premier recueil n’est pas exempt de défauts. L’ensemble s’avère un peu trop redondant, et il nous arrive de buter sur une répétition ou une comparaison pas tout à fait pertinente. Deux trois nouvelles sont plus abstruses ou anecdotiques – c’est le cas de La première aurore du nord ou de Nuit d’été – mais l’ensemble est de bonne facture. L'intérêt principal réside dans les ambiances façonnées par Elisabeth Ebory, très visuelles et réussies ; certaines nouvelles happant littéralement le lecteur. Du fantastique sombre, intimiste, introspectif, qui dévoile une plume très personnelle, et à suivre dans ses futures productions.

Notons également qu'A l’orée sombre relève d’une ligne éditoriale plutôt en marge : la publication d’un premier recueil d’une toute jeune auteure française œuvrant dans le domaine du fantastique est un fait plutôt rare, de nos jours… Et par voie de conséquence, à cautionner, surtout quand il s’agit – et c’est le cas – d’un bon livre. Ne boudons pas notre plaisir, donc !

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