Christian
- le 31/10/2017
Gakona, Alaska
Spin-off de la série Imago Mundi, cette agence de recherche scientifique qui parcourt les coins les plus reculés du globe pour les mettre en images de synthèse, Climax s’est inscrit dès son lancement en 2008 dans le cadre de l’année polaire internationale qui venait de s’écouler. Dans les trois premiers albums, l’agence déjouait les manœuvres du groupe pétrolier Eggo pour falsifier les indices alarmants du réchauffement climatique en Antarctique et tentait de comprendre pourquoi de puissants lobbys cherchaient à l’empêcher d’exercer son activité au Canada.
Avec ce quatrième album, qui marque la fin d’un cycle pour la série, Imago Mundi est face à son principal adversaire, l’armée américaine. Un ennemi non déclaré qui agit contre les règles internationales en utilisant la modification de l’environnement comme arme ultime de détection et de combat. L’agence va devoir apporter les preuves de ces agissements secrets illégaux.
Tandis qu’Éric Corbeyran enchaîne série sur série, comme un serial writer, et qu’Achille Braquelaire fait partager sa passion pour les sciences de l’environnement, le dessinateur Luc Brahy, d’abord centré sur Imago Mundi, diversifie ses productions. Il travaille avec Frédéric Ploquin et Pierre Boisserie sur des thématiques mafieuses (Mafia & co, Le Temps des cités) et va travailler avec François Giroud sur une histoire de l’aviation en dix tomes (Icare). En attendant de voler de ses propres ailes (il est déjà scénariste avec Éric Stoffel pour la série Oukaze).
Imago Mundi contre le Pentagone
Des orques s’échouent sur une plage de l’Ouest canadien et l’association Green Days est présente pour constater les dégâts. Sans preuve, Axel Miller le gourou vert dénonce les expériences radio de l’armée américaine en Alaska. C’est lui qu’un mystérieux individu avait contacté pour l’inciter à témoigner contre l’agence Imago Mundi.
Harald, Loïc et Léia s’interrogent sur l’origine de l’interdiction qui a été faite à l’agence de sonder le sous-sol canadien. Et comme tout les conduit au centre militaire de rayonnements radio de Ganoka, en Alaska, ils décident de vérifier sur place ce qui se trame. Cela leur vaut d’être fermement éconduits.
L’attitude de la commission d’enquête change soudain à leur égard, mais il est trop tard pour qu’Harald renonce à sonder le sous-sol sur place. Il se pourrait bien que la mystérieuse base cache quelques secrets bien gardés sur la manipulation de l’ionosphère à des fins militaires.
Crime contre le climat
Les deux premiers albums étaient un hors-d’œuvre, des récits de diversion. La menace qui pesait sur l’agence paraissait secondaire et on pouvait s’attendre à son éclatement. Mais les missions en Antarctique ne dévoilaient que la face cachée d’un complot international plus important, un complot contre le climat et l’environnement. Le combat contre les travaux d’Imago Mundi était, en fait, au cœur de l’intrigue. En centrant le récit sur la tête (le patron Harald), le troisième album préparait le terrain. Maintenant la parole est aux jambes (Loïc et Léia), qui vont utiliser le dernier cri des technologies bioniques pour passer à l’action. Cette action sera salvatrice puisqu’elle permettra à l’association Green Days de dévoiler le complot au grand jour.
Ce scénario est le meilleur compromis entre la réflexion et l’action des quatre scénarios du cycle. Pas besoin d’une multitude de flashbacks, de références à Imago Mundi, l’intrigue se déroule d’elle-même. Le cadre est annoncé d’emblée. L’ennemi, suspecté dans le précédent tome, est désigné dès les premières pages. Il s’agit désormais d’agir et d’apporter des preuves. La sonde laser mise au point par Loïc et dont l’usage avait été interdit au Canada va être l’instrument de la preuve qui confondra l’armée américaine.
Ce scénario est aussi celui qui témoigne le plus ouvertement, dénouement oblige, de l’ambition de la série Climax. Nous ne sommes pas dans de petits combats d’arrière-garde environnementaux, destinés à protéger des intérêts économiques, mais dans l’expression de l’hybris martiale la plus totale. Rien n’échappe à la destruction.
Au service de cette action, le dessin de Brahy s’accommode parfaitement des paysages du grand Nord, des camps de barbelés, des véhicules militaires, des visages dans l’effort et des mouvements de corps. Il trouve une liberté qu’il n’avait pas toujours quand l’équipe d’Imago Mundi tournait en rond, dans ses quartiers généraux. C’est dans l’action, les cadres plus aérés que ses talents graphiques s’expriment le mieux.
Si, en écologie, le climax est bien l’état le plus stable d’une succession d’équilibres et si, en technique narrative, le climax est bien le moment du récit où le conflit est à son comble, ce dernier album est bien le climax de la série. Au point qu’on se demande si elle n’aurait pas gagné, pour éviter les détours et les redites, à se réduire à un diptyque, comme les cycles d’Imago Mundi.