Rien ne nous survivra
Maïa Mazaurette est née en 1978. Cette journaliste de formation s'est fait connaître par ses chroniques dans la presse masculine,
son blog, ses scénarios de bandes dessinées et ses romans, dont notamment
Dehors les chiens, les infidèles, paru aux Éditions Mnémos.
Le Pire est avenir a été un des premiers livres qu'elle a écrit et a été publié en 2004.
Rien ne nous survivra est une réécriture complète de ce roman que Mnémos nous fait découvrir dans sa nouvelle collection
Dédales.
Paris, champ de bataille pour une guerre jeunes/vieux Les jeunes se sont révoltés contre les vieux, c'est-à-dire les plus de vingt-cinq ans. Ils se sont emparés de Paris Rive-Gauche et affrontent maintenant dans une guérilla urbaine les derniers habitants âgés de la capitale.
Parmi les révoltés, Silence et l'Immortel sont deux snipers. Le premier est une figure de la révolte juvénile, l'autre voudrait prendre sa place. Alors que la pression des combats augmente et que le mouvement des jeunes s'essoufle, les deux tireurs d'élite s'affrontent, autant sur le terrain que dans leurs têtes.
Un fond non sans intérêt Rien ne nous survivra place le lecteur dans le contexte d'une révolte de la population des moins de vingt-cinq ans français. Une révolte contre les vieux, que les jeunes se sont mis à tuer purement et simplement, pour se libérer du carcan imposé par leurs aînés.
Ce carcan, les
Théories qui émaillent le récit le décrivent : celui de la gérontocratie qui prévaut dans notre société. Si certaines attaques font mouche (contre la mode ridicule des activités régressives, contre les maisons de retraite...), les autres forment un argumentaire empreint d'un mépris affiché pour les adultes auquel chaque lecteur décidera d'adhérer ou non.
La révolte des jeunes repose donc sur des bases idéologiques qui peuvent être contestées, et que l'auteure défend clairement.
Mais le fait-elle vraiment ? Au contraire Maïa Mazaurette ne prêche-t-elle pas d'un côté la révolte tout en la ridiculisant d'un autre ? L'influençabilité des plus jeunes, leur manque de recul vis-à-vis de leurs choix et actions, leur incapacité à mener autre chose que des projets anarchiques et à court terme transparaissent dans le récit au travers des réflexions des personnages principaux et sont illustrés par le destin de la révolte. Sans oublier, ce qui n'est pas sans ironie, que les meneurs des jeunes sont les plus âgés, des presque ennemis de près de vingt-cinq ans, qui manipulent les autres, faisant aux plus jeunes ce qu'ils reprochent aux vieux de faire.
C'est donc ainsi qu'il faut comprendre
Rien ne nous survivra : certes, une critique acerbe de certains comportements accompagnant la prise d'âge, une mise en relief du fossé générationnel, mais également un réquisitoire, teinté d'une légère amertume, contre la futilité du sentiment de révolte des jeunes qui ne mène, finalement, nulle part ou est sans effet.
Une forme de piètre qualité Nous arrêterons ici les « louanges » concernant
Rien ne nous survivra. Car si sur le fond on peut lui trouver de l'intérêt, sur la forme on est loin d'être en présence d'un chef-d'œuvre.
Tout au long du roman, Maïa Mazaurette emploie ou fait employer à ses personnages un ton irrévérencieux qui devient la caractéristique principale de
Rien ne nous survivra. Ce n'est pas désagréable et pour tout dire cela accompagne parfaitement certaines scènes frappantes destinées à choquer le lecteur. Mais il y a problème quand cette façon de s'exprimer est utilisée tant par un personnage que par l'autre. On le retrouve aussi dans les textes des
Théories. Pour ainsi dire, on ne voit pas de différence d'expression d'un personnage à l'autre au point qu'il soit possible de les interchanger. Leur psychologie nous est abondamment décrite par l'auteure, et c'est le reproche qu'on peut lui faire : on ne sait pas que les deux personnages ont telle ou telle personnalité parce qu'on le
sent, mais parce qu'on nous le
dit. Ce sont d'ailleurs les personnages eux-mêmes, narrateurs, qui décrivent leurs émotions, faisant là preuve d'analyses dignes de fins psychologues. Ce recul objectif des personnages vis-à-vis d'eux-même ne fournit aucune adhérence émotionnelle au lecteur, qui ne s'attache donc pas et ne ressent rien en découvrant les aventures de Silence et de l'Immortel.
Si le lecteur trouvera à la longue l'Immortel comme Silence peu intéressants, il n'en va pas de même pour le scénario, qui tourne très vite au ridicule.
Premièrement, on ne croît pas aux possibilités de la révolte, à la chute de Paris, aux difficultés des militaires à écraser la résistance de quelques gamins pour la plupart écervelés – même si la stratégie de la guérilla a fait ses preuves dans bien des guerres.
Cela dit, c'est le contexte d'un roman de science-fiction. Le lecteur de SF est habitué à adapter son esprit à des logiques qui peuvent faire émerger des concepts intéressants. Mais doit-il pour autant accepter des scènes invraisemblables dans un roman qui se veut finalement réaliste ? À priori, non. C'est pourquoi on l'excusera s'il décide d'abandonner sa lecture lorsqu'il atteint la scène de l'attaque de l'Assemblée Nationale où les vieux ministres français vont discuter chaque semaine, en territoire ennemi, sans l'once d'une protection militaire, ce qui permet à Silence de les abattre sans difficulté. S'il continue sa lecture, il peinera toutefois à tenir jusqu'à la fin, car il y a d'autres scènes du même acabit.
Mais ce n'est rien, au final, avec toutes les précautions que prennent les deux adversaires pour ne surtout pas se tuer à chaque fois qu'ils se rencontrent. Ni avec l'explication finale de la « la machination » de Silence, organisateur parfait de ses desseins. Le lecteur a un exemple parfait de révélation très mal amenée qui ne fait que renforcer l'idée que le récit ne repose par sur des bases solides et une intrigue efficace.
Rien ne nous survivra peut éventuellement plaire par son côté irrévérencieux et quelques critiques avisées jetées deci delà, mais l'histoire racontée et sa construction sont d'un niveau moyen qui ne satisfera pas un lecteur exigeant.