Les Flammes de l'archange

Fabien Lacaf a une liste impressionnante de collaborations, notamment dans le cinéma puisqu'il a été storyboardeur pour des films tels que Monsieur N., Le Hussard sur le toit ou encore Les Visiteurs 2. Depuis ses débuts dans Charlie Mensuel et Métal Hurlant, ce diplômé d'arts plastiques et d'archéologie s'est entouré des plus grands, ici Armand Guérin, ingénieur des bâtiments de France, pour un polar médiéval aux airs de Nom de la Rose assumés mais à l'inspiration plus mystique...

Un moine étrange que ce frère Tiburce de Trézevel, venu méditer au mont Saint-Michel et qui se voit proposer les travaux de réfection de la nef de l'abbaye, abandonnés à la mort mystérieuse de son précédent bâtisseur... Accompagné du jeune moine Josquin, il va très vite constater que le mont renferme des secrets séculaires. Mais si c'était justement le but caché de la visite de ce moine en ces lieux, cet homme étrange qui ne jure pas par Dieu mais par des divinités païennes ancestrales ?

Le spectre de Sean Connery

Si visuellement l'album ne réserve pas de trouvailles notables, Les Flammes de l'archange bénéficient d'un scénario très solide, dans lequel des personnages un peu caricaturaux mais attachants viennent s'imbriquer avec fluidité. Un album que l'on trouverait passionnant... s'il n'y avait le Nom de la rose. L'atmosphère du film de Jean-Jacques Annaud imprègne toutes les pages... Le triplet maître-disciple-moines cachottiers peut induire le lecteur en erreur sur l'histoire – qui rappelons-le n'a rien à voir avec celle du film ! Ce qui ne poserait à priori aucun problème, sauf que l'intrigue des Flammes de l'archange est relativement dense et qu'il vaut mieux ne pas se disperser sur de fausses pistes pour en comprendre le climax. Climax sur lequel je m'attarderai pour souligner qu'il est magistralement mené, visuellement spectaculaire et comporte un twist discret mais efficace.

Un lieu-archétype judicieux

S'ils ne sont pas les premiers à situer l'action de leur polar sur cette île-forteresse-abbaye, Guérin et Lacaf (le premier ingénieur aux Bâtiments de France et le second spécialiste de la BD archéologique) offrent au lecteur le lieu-archétype le plus grandiose qui soit : le Mont-Saint-Michel. D'abord parce qu'on le croirait tout droit échappé d'un roman de fantasy, avec ses superstructures gothiques lovées sur une île battue par les marées, ensuite parce que fondamentalement sa forme rappelle celle d'une montagne, figure initiatique par excellence, aux contreforts de laquelle vivent le commun des mortels et dont le sommet est occupé par une élite aux visées spirituelles. Toute une symbolique très forte qui, à l'instar du climax du récit, est judicieusement exploitée par les deux comparses pour livrer une histoire à forte teneur mystique.

Les fans de fantasy d'inspiration celtique s'y retrouveront, et de façon plus générale tous les lecteurs amateurs d'histoires racontées avec passion et brio graphique.