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Cathédrales de brume

Oksana ( Auteur), Gil Prou ( Auteur), Jean-Pierre Luminet (Préface), Monsu Desiderio (Illustrateur de couverture)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/09  -  Livre
ISBN : 9781934543986
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stephaneg   - le 31/10/2017

Cathédrales de brume

Oksana est actrice de films pornographiques depuis 2005. C'est toutefois quelqu'un de cultivé, qui a suivi des études supérieures en mathématiques. Sa passion pour la civilisation égyptienne l'a rapprochée de Gil Prou.
Ce dernier est en effet un ancien dirigeant de la FNAC, mais aussi un licencié en égyptologie. Ce passionné de philosophie néoplatonicienne et de poésie signe, avec Oksana, son premier roman de science-fiction.

Une odyssée spatiale de plusieurs millions d'années

Amaranth Heliaktor échappe de peu à la destruction du Bellérophon II à bord d'un Chrysaör, un vaisseau de sauvetage. Mais il est emprisonné dans un sarcophage, paralysé. Heureusement, les systèmes du vaisseau le maintiennent en vie. Tellement bien qu'il va pouvoir survivre des millions d'années ainsi, à dériver dans l'espace...
En compagnie de la sentinelle électronique Emmïgraphys, Heliaktor n'a qu'une seule solution pour s'occuper : créer des univers imaginaires, des cathédrales de brume dans lesquelles il peut s'évader.

Une base intéressante mais des prolongements qui ne tiennent pas la route

Une actrice de films X et un ancien directeur de chaîne de magasins de produits culturels, égyptologue et féru de philosophie néoplatonicienne, voilà un couple d'auteurs particulièrement exotique. Autant que leur premier roman de science-fiction, qui paraît chez Rivière Blanche.
Car c'est une idée fascinante qu'ils exploitent dans Cathédrales de brume. Jugez plutôt : un homme enfermé dans un sarcophage dérivant dans l'espace, paralysé, voué à une quasi-immortalité et qui s'occupe en imaginant des univers virtuels. Odyssée dans l'espace et une invitation au rêve nous sont proposés par Oksana et Gil Prou. Les cathédrales de brume d'Amaranth sont autant de morceaux de mondes différents, donnant à leur livre une dimension kaléidoscopique.
La ligne rouge du roman est le mystère entourant les origines de la situation dans laquelle se trouve le personnage principal. Premièrement, il dispose en effet des réserves totales du Bellérophon II (qui avait trente-cinq milles passagers) en omphalium, élixir empêchant le vieillissement cellulaire et une survie extrêmement longue. En l'occurrence, Heliaktor va vivre plusieurs millions d'années grâce à ce chargement. Deuxièmement, il est seul dans le chrysaör qui peut – et devrait – être occupé par trois passagers. Qui a donc placé le personnage seul et avec toutes les doses d'omphalium ? Comment ? Dans quel but ?
Malheureusement, les révélations à ce sujet sont données au compte-goutte. Le lecteur est appâté régulièrement par la découverte de quelque indice à ce sujet, mais la plupart du temps, il doit suivre Heliaktor dans ses errances au sein de des cathédrales de brume.

L'idée principale du roman est bien sûr ce concept de mondes imaginés par le personnage, qu'il réussit à rendre cohérent grâce à un implant particulier  et avec l'aide d'une sentinelle électronique, intelligence artificielle dotée de sentiments et des connaissances de l'humanité entière. Le reste n'est que de l'ordre du prétexte. Or, le lecteur se rend vite compte que les cathédrales de brume sont bien moins intéressantes que le mystère de la survie d'Heliaktor.
On ne peut pas reprocher à Oksana et Gil Prou de manquer d'imagination. Bien au contraire, ils en ont beaucoup. Mais ils ne la brident pas, faisant assister le lecteur à des scènes irréalistes, au sens propre comme au figuré. Cela dit, rien n'empêche au personnage d'imaginer ce qu'il veut. Il n'y a en effet pas de limite aux possibilités de création qui lui sont offertes. Toutefois, le lecteur un tant soit peu pragmatique déchante vite lorsqu'il découvre que les cathédrales de brume, mondes virtuels, deviennent des réalités : les individus sortis de l'imagination d'Heliaktor détiennent des personnalités complètes et indépendantes, disposent de connaissances que ne détient pas le naufragé, même inconsciemment.
Ainsi, Héraclite d'Éphèse devient rapidement un compagnon régulier de voyage pour le personnage principal. Il sera source de réflexions philosophiques (assez peu pointues) et permettra au héros de comprendre bien des choses. Car Héraclite, qui est contemporain de l'Antiquité dispose des ressources lui permettant de parfaitement assimiler le fonctionnement de l'univers, trois mille ans après l'époque dont il est contemporain. Cherchez l'erreur... Un peu plus loin, le naufragé, le philosophe grec et la sentinelle électronique seront initiés à la perception des dimensions au-delà des trois que nous connaissons grâce à des extraterrestres occupant une cathédrale de brume.
Oksana et Gil Prou ont voulu, dans Cathédrales de brume, mélanger onirisme et éléments scientifiques. Les éléments technologiques introduits par les auteurs sont d'ailleurs parfaitement crédibles. Toutefois, on ne peut pas être, d'un côté, rigoureux sur les éléments futuristes et d'un autre côté les exploiter de façon irréaliste. L'aspect psychologique de la situation vécue par le personnage, par exemple, est peu abordé alors que rester immobile des millions d'années rendrait fou n'importe qui. Le lecteur doit jongler entre pragmatisme et romantisme, sentiments plus ou moins antinomiques, et en perd son latin.

Un style pesant et une lenteur du récit qui sabotent le roman

Dès les premières pages de Cathédrales de brume, on sait quel adjectif donner au style des deux auteurs : lourd. Oksana et Gil Prou emploient des phrases interminables, utilisent des mots peu familiers et des tournures alambiquées pour générer une ambiance dépaysante et un sentiment d'intellectualité dans leur roman. Les chapitres du livre se partagent entre descriptions flamboyantes de scènes hallucinées et dialogues au cours desquels les personnages utilisent un langage soutenu – parfois incongru – et empruntent maintes circonvolutions pour exprimer des idées souvent simples. Le résultat ne satisfera que les lecteurs qui apprécient les écritures pesantes qui prennent leur temps pour développer des idées et décrire des situations, des lieux ou des personnages. Ils expliquent en tout cas autant les cinq cents pages, police taille huit, du roman que la durée de l'odyssée, dont le récit est pourtant émaillé d'ellipses plusieurs fois séculaires entre les chapitres.

Outre le style employé par les auteurs, les choix scénaristiques qu'ils font apparaissent souvent maladroits et nuisent au récit.
Tout d'abord, le concept des cathédrales de brume rend le roman ennuyeux, tout en étant ironiquement au centre de ce dernier. Car si on supprime les perditions du personnage – et des auteurs – à décrire des mondes virtuels, il reste une histoire mystérieuse de dérive dans l'espace, dirigée par des forces invisibles et inconnues. Une véritable idée de science-fiction qui, à elle seule, pourrait satisfaire le lectorat spécialisé, comme le néophyte. Malheureusement, Oksana et Prou se dispersent, rendant le roman hermétique, dans sa forme et dans son fond, à presque tout lecteur.
Ensuite, l'amateur de science-fiction se rendra vite compte que les auteurs ne connaissent pour ainsi dire rien à ce genre. Un lecteur « plus conventionnel », lui aussi, devrait le deviner, tant l'utilisation de termes complexes qui ne veulent rien dire, même étymologiquement, pour faire « SF » est évidente : les noms des planètes, des espèces extraterrestres comprennent beaucoup de h, de k, de y et de trémas, ne comptent que rarement moins de quatre syllabes et sont souvent imprononçables (Taharkkhä, Xanthiöös, Ballaphlexhïs...). Cela dit, les auteurs ne déméritent pas et réussissent à rendre crédibles les éléments technologiques qu'ils intègrent dans leur récit. Mais on ne peut se départir de l'idée, encore une fois, qu'ils en font trop.

C'est ainsi, donc, qu'on peut résumer Cathédrales de brume : un roman dans lequel les auteurs ont voulu mettre trop de choses, s'attarder sur chacune trop longtemps. L'histoire est intéressante dans son idée de départ mais est vite étouffée par des divagations qui semblent plus importantes aux auteurs que le récit principal. Le tout est servi par un style pesant qui nuit à la narration. Le résultat est un roman soporifique, à réserver aux lecteurs qui aiment s'ennuyer.

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