stephaneg
- le 31/10/2017
Etoile du chagrin, tomes 1 à 2
Hawaï ; son soleil ; ses plages sur lesquelles viennent mourir des vagues chargées de surfeurs ; ses détectives privés roulant en Ferrari ; ses auteurs de bandes dessinées... Car Kazimir Strzepek, scénariste et dessinateur de BD, est bel et bien un trentenaire américain originaire de l'ancien royaume de la dynastie des Kamehameha. Il est méconnu en France, puisque Étoile du chagrin est sa première œuvre à paraître dans l'Hexagone. Pourtant, Strzepek a participé à des anthologies comme True Porn, Moxie ou Pappercutter, qui n'ont certes pas reçu l'Eisner Award comme Étoile du chagrin en 2007, mais qui ont eu un certain succès Outre-Atlantique.
Après la fin du monde commence l'aventure
Les habitants d'une planète doivent survivre après la destruction de leur monde lorsqu'une comète est venue le heurter. Tandis que l'Ordre – et son chef, Maître Grène – cherche à restaurer une société basée sur des lois, certains survivants essayent seulement de retrouver des membres de leurs familles ou des amis. D'autres, enfin, organisent la résistance à l'Ordre car ils considèrent à raison Grène comme un tyran assoiffé de pouvoir.
Un univers foisonnant mais à la faible profondeur
Dernièrement sont sortis chez les Éditions Çà et Là les deux premiers tomes de la série Étoile du chagrin, ainsi qu'un petit fascicule intitulé Tome 11/2 qui s'intercale entre les deux volumes de plus de deux cents pages. Deux fois deux cents pages certes, mais de petite taille. Car c'est dans un format particulier (15x15) que paraissent les tomes 1 et 2 de la bande dessinée de Kazimir Strzepek.
Au final, le lecteur a de quoi occuper ses soirées avec Étoile du chagrin. Mais va-t-il pour autant passer de bons moments en compagnie des personnages de l'auteur américain ?
Pas nécessairement. Il faut en effet avancer dans l'histoire, et par là même dans la description que donne Strzepek de son univers, pour découvrir la complexité de ce dernier. Ce n'est d'ailleurs vraiment qu'à la fin du tome 2 que l'on peut apprécier la subtilité des liens sociaux – ou asociaux – entre les clans qui peuplent la planète ravagée. Mais encore faut-il tenir jusque-là, l'histoire racontée par Kazimir Strzepek n'étant pas forcément digne d'intérêt.
On trouve donc dans Étoile du chagrin la description d'une population jetée à terre par un cataclysme, sur une planète recouverte surtout de déserts jonchés de champs de ruines. Rien d'extraordinaire concernant le décor, très peu évoqué par l'artiste, dont le dessin simpliste ne s'attache pas aux détails. Ce sont les clans nordiens, sudiens, estiens et ouestiens qui font donc le sel d'Étoile du chagrin, Strzepek nous présentant un panel de leurs représentants, décrivant les difficultés qu'ils ont à se comprendre, à cohabiter.
Malheureusement, l'auteur s'arrête avant l'abord de tout sujet sensible, rendant son univers bien terne et dénué de tout aspect philosophique. À aucun moment, en effet, on ne peut parler de racisme entre clans – qui sont en fait des espèces différentes aux caractéristiques physiques précises –, les personnages, pour la plupart des guerriers ne jurent jamais... Les survivants de la catastrophe ne semblent pas non plus vraiment traumatisés. L'ambiance de la bande dessinée est loin d'être sombre, alors que le récit est focalisé sur la confrontation entre un Ordre tyrannique et ses adversaires oppressés. Étoile du chagrin aurait sans doute gagné à être moins politiquement correcte.
Du divertissement mais pas passionnant
Étoile du chagrin apparaît donc comme une bande dessinée de pur divertissement, qui n'a rien à apporter au lecteur. C'est son gros défaut, mais pas le seul. On regrettera également la façon de traiter les personnages. Les gentils sont vraiment gentils, les méchants vraiment... gentils. Les membres de l'Ordre – les durs –, quand ils sont entre eux, deviennent des personnes attentionnées envers leurs camarades. Montrer qu'un être qui brûle des villages, tue des habitants, fait régner l'ordre par la force dans les territoires conquis est aussi un être humain, voilà qui est certes intéressant, mais fait vite perdre le côté mystérieux, inquiétant et le caractère diabolique qu'il possédait. Quant aux personnages qu'on classerait plutôt comme les gentils, ce ne sont pour la plupart que des idiots, échappant aux ennuis plus par la chance que par un quelconque courage – sans qu'un côté humoristique soit particulièrement recherché, soit dit en passant.
Il ressort une impression floue concernant le public visé par Strzepek. On pourrait croire qu'Étoile du chagrin est destiné à un public juvénile, à qui les mangeurs de rêves – petits Casper patibulaires – et le « tout le monde est gentil finalement » pourraient beaucoup plaire. Restent les scènes de combat où le sang gicle, les membres sont coupés, les nez râpés, les oreilles tranchées, les yeux percés, les gorges ouvertes – sans pour autant que les personnages meurent : un tour chez le chirurgien, l'otorhino ou l'ophtalmo et ils sont de nouveau sur pied ! – qui laissent à croire que le petit frère de cinq ans n'est peut-être pas, finalement, la cible.
Deux tomes, ça suffira
Scénario qui laisse de marbre – malgré une légère tentative de relance dans le tome 2 et une mise en doute de la version officielle de l'origine de la catastrophe –, personnages que le lecteur ne réussit pas à trouver sympathique – sauf peut-être le tueur-coupeur –, dessins en noir et blanc des plus ordinaires – bien que le trait de Strzepek ait un petit côté trash –, Étoile du chagrin n'a pas grand-chose pour elle.
Desservis par un format peu plaisant – petites pages, petites cases –, les deux tomes présentés par Çà et Là ne donnent pas très envie de poursuivre une aventure qui ne sera bouclée qu'en 2015.