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Big Fan

Fabrice Colin ( Auteur), Yann Legendre (Illustrateur de couverture)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/12/09  -  Livre
ISBN : 9782916940243
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Lavadou   - le 31/10/2017

Big Fan

Fabrice Colin est né en 1972. Si l’on ajoute les deux derniers chiffres de cette date, on obtient 199, soit, chiffre à chiffre, le complément à 10 (le nombre de titres de l’album Kid A de Radiohead, qui occupe à ce jour la position centrale de leur discographie) de 911, soit 9/11, le 11 septembre 2001 – n’oublions pas que Fabrice Colin a également écrit un scénario de BD sur cette catastrophe, World Trade Angels. Dans « Fabrice Colin », il y a autant de lettres que dans « Thomas E. Yorke », le leader de Radiohead. Colin est aussi le prénom du bassiste du groupe.
Autant de signes qui prédestinaient l’auteur à écrire sur le groupe et le complot mondial qu’ils cherchent à révéler au monde à travers leurs chansons, avec l’histoire de ce Big Fan. [Il ne s’agit pas d’une simple prédestination, mais passons.]

Creep

Ce fan ultime, c’est Bill Madlock, un anglais obèse dès sa plus jeune enfance – une enfance coincée entre un père absent et une mère qui pensait que le nourrir à outrance résoudrait tous les problèmes. Forcément rejeté par ses camarades, il va traverser sa scolarité isolé, sans éclat, avec pour seules passions les jeux de rôle et la musique. Jusqu’à sa découverte de Radiohead, qui éclipsera tout le reste – études, amis, travail. Bill n’a plus qu’une idée en tête : assister à tous les concerts possibles du groupe et tenter d’inculquer à ses camarades/collègues le culte des cinq d’Oxford. Son adoration devient fanatisme pur lorsqu’il s’imagine que les chansons de Radiohead dénoncent un complot mondial souterrain visant à asservir l’humanité dans une réalité alternative, grâce à un clone quantique et la Police du Karma. L’obsession de Bill à aider le groupe à sauver le monde va le conduire en asile psychiatrique. [Tes raccourcis me désolent, mec, mais on va mettre ça sur le dos de la « difficulté de l’exercice ».]

2 + 2 = 5

Big Fan est un roman surprenant avant tout par sa construction. Il est composé de trois lignes de narration qui s’imbriquent et se répondent, comme les échos et les boucles électroniques des chansons de Radiohead. [Si tu commences avec les comparaisons foireuses et les clichés, on n’a pas fini de s’ennuyer…]

La première est constituée de lettres que Bill Madlock écrit depuis l’hôpital/prison dans lequel il attend son jugement. Il y décrit son environnement, ses tentatives de convaincre les médecins qu’il n’est pas fou. Son discours est d’autant plus dérangeant qu’il est calme, posé, et d’une mélancolie presque fataliste : avec une économie de mots assez étonnante, Fabrice Colin parvient à retranscrire le sentiment d’échec et de résignation qui habite Madlock, même si ce dernier conserve un espoir de mener à bien sa mission.

La seconde n’est rien moins qu’une biographie des premières années de Radiohead (depuis la création du groupe jusqu’à la sortie de Kid A). Le profane pourra se trouver assez décontenancé par le côté journalistique de ce récit, et, avouons-le, se posera parfois la question : « à quoi ça sert ? » D’autant que la bio est bourrée de clichés et de phrases toutes faites, comme si son auteur cherchait à donner une dramaturgie fictive à la vie du groupe. Inutile de préciser [Alors pourquoi tu le fais ?] que c’est parfaitement volontaire et assumé : sans doute conscient du côté inévitablement rébarbatif de l’exercice, Colin a choisi cet angle d’attaque pour distiller des informations sur le groupe tout en adoptant le mode de l’autodérision. Pour preuve, les commentaires acerbes et critiques de Bill disséminés tout au long de la bio : se moquant (ou s’agaçant) des lieux communs proférés par l’auteur, la voix du héros pointe les oublis, les incohérences, les conclusions incomplètes. [C’est assez épatant de voir que tu peux détecter les clichés chez les autres tout en utilisant une prose aussi insipide.] Ce qui permet à Colin de prendre très habilement le contrepied de la mise en scène factice de la biographie, pour instaurer un suspense autour du complot quantique en associant les événements « objectifs » de la vie de Radiohead aux remarques mystérieuses de Madlock.

La troisième ligne de narration, la plus touchante, raconte la jeunesse de Bill. Là encore, Fabrice Colin brosse avec très peu de mots et sans grandiloquence le portrait d’une famille qui oscille entre banalité et abandon de soi, et toute la tristesse résignée d’un homme qui n’aura jamais eu les moyens de réussir. [Qui te dit qu’il n’a pas réussi ?] Avec un simple « peut-être », Colin est par exemple capable d’évoquer ces zones de la mémoire dont on ne sait pas vraiment si elles sont réelles, parce que les souvenirs les plus puissants ont noyé les détails de nos vies. [Et donc ?] Ces passages sont un vrai régal, mêlant l’injustice ordinaire à l’humour acerbe, sans jamais sombrer dans le pathos, révélant petit à petit les origines de la folie de Bill – comme la recension maniaque de tous les groupes de rock indépendant qui s’étale sur plus de dix pages ! [Maniaque ? Putain, mec, sérieux…] On suit avec fascination la dépersonnalisation du jeune homme (les seuls moments où il se sentira vivant correspondront à quelques instants de bonheur) et l’ascension de son caractère intégriste et dominant qui prend peu à peu le pas sur sa nature de geek (appuyée par un jeu sur les références, directes ou indirectes, à Radiohead, dont on aura probablement loupé 99 %, mais qui ne manquera pas parfois d’interpeller le lecteur, comme la prononciation de « Pablo honey » par le père de Bill, alors que le premier album de Radiohead n’est pas encore sorti…). [Bravo, mec, quelle perspicacité ! Mais j’aurais bien aimé que tu creuses le côté « interpellation » de la chose, car s’il s’agit juste pour toi de te faire mousser en révélant les corrélations les plus évidentes, tu vas juste réussir à me rendre malade.]

Ces trois parties entremêlées forment un tout bien plus grand que la somme de ses parties. [Si je te dis que j’avais parié 100£ que tu la ferais, celle-là, tu me crois ?] Leur alternance rythme la lecture et les soude pour en faire une œuvre passionnante, dérangeante mais également divertissante. À noter, s’ajoutent au texte quelques photos du groupe retouchées par Daylon, un petit plus qui fait du livre un bel ouvrage. [Encore une fois, tu ne vas pas jusqu’au bout : ces photos ne sont pas là par hasard.]

Paranoid Android

Une question peut toutefois subsister : à qui s’adresse Big Fan ? [Je crois qu’il n’y a que toi qui te poses la question, mec…] Aux seuls fans de Radiohead ? Assurément pas. Même si l’on peut se demander dans la première moitié du roman où l’auteur veut en venir – notamment avec la biographie de Radiohead, qui en dehors des commentaires n’est pas plus excitante qu’une page Wikipédia –, la seconde exploite tout le potentiel mis en place par Colin dans les cent premières pages : le lecteur commence à faire le lien entre le parcours de Radiohead et celui de Madlock. Les passages biographiques sont remis en perspectives à l’aune des pensées, émotions et actes de Bill – et réciproquement. On découvre petit à petit l’ampleur de sa folie, [Vraiment ?] et on se prend véritablement au jeu : on va écouter Radiohead, on se met à examiner les paroles des chansons et on se surprend, dans les magasins, à rigoler de mépris devant les CD des groupes fustigés par Bill alors qu’on n’en a jamais écouté le moindre morceau. C’est là que Fabrice Colin frappe fort : parvenir à nous emmener dans le délire de son héros, à rendre son discours cohérent malgré l’absurdité de ses prémisses. Les théories fumeuses de Bill sont exprimées avec tellement d’aplomb qu’elles en deviennent intrigantes. On en viendrait presque à vouloir les croire… [Et tu en conclus quoi ?]

Au final, grâce à un jeu parfaitement maîtrisé sur les contrastes – de style, de construction, d’émotion ou simplement d’intrigue – Fabrice Colin compose un récit fascinant, accessible à tous, dans lequel on plonge en mettant de côté tout scepticisme. Un excellent roman. [Putain, c’est tout ce que tu retiens de tout ça ? Un roman ? Mec, je suis désolé de te dire ça, mais tu es complètement passé à côté.]
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