Après Les chaînes du dragon (Dragon bones) et Le sang du dragon (Dragon blood), l’Atalante publie le troisième roman fantasy de Patricia Briggs "Le pacte du Hob" (The Hob's bargain). Celui-ci fut, en fait, publié aux Etats-Unis en 2001 avant les deux autres dans la seconde période fantasy (2000-2005) de l'auteur (cycles Hurog 2001-2003 et Raven 2003-2005). Ce roman, plus court, est indépendant. Ses cycles fantasy n'atteignent pas encore les succès d'édition de sa période fantastique (depuis 2006) avec sa série Mercy Thompson, très proche du Twilight de Stephenie Meyer.
Traitant d’un village de montagne coupé du reste du monde, "Le pacte du Hob" est un livre qui se suffit à lui-même. La fin du roman laisse penser qu'une suite était en gestation. L'héroïne a certes surmonté une première épreuve, mais elle n'a pas encore pris toute la mesure de ses pouvoirs et elle n'a pas encore affronté tous les êtres qui menacent son village et les humains au-delà de son village natal. Une entrée de cycle inachevé. Sans dragon, cette fois, si ce n’est la montagne du Hob elle-même dont la puissance « élémentale » est phénoménale.
Bien que Patricia Briggs ne s'adresse pas particulièrement à des adolescents, c'est un roman qui peut être lu par un public plus jeune que le cycle d'Hurog, écrit à la même période. Le personnage principal subit une transformation progressive qui s’apparente métaphoriquement à une adolescence tardive. Par ailleurs, même si les démons surgissent de toutes parts, si les morts pullulent, il y n'y est pas question, comme dans d’autres romans de Patricia Briggs, de torture, de viol ou de pédophilie assumée.
L’éveil à la magie du monde
A peine mariée, Aren voit sa vie basculer : des maraudeurs massacrent sa famille. Ses dons de voyance, jusqu’à présent cachés pour ne pas périr comme son frère Quilliar, ne lui ont pas permis de pressentir ce qui allait se produire. Dès lors, elle n’hésitera plus à jeter le voile sur ses pouvoirs. Au risque d’être mise à mort, elle avouera au Conseil des Anciens de son village qu’elle a le don de vue. Tandis que la magie imprègne à nouveau le mont Hob et sa région, elle mettra tout en œuvre pour sauver son village des menaces démoniaques qui pèsent sur lui.
Sans guide, la tâche est trop difficile. Heureusement, Caëfann, le Hob, colosse mi-homme, mi-lion, seul survivant d’une race ancienne, veut protéger les humains, les réconcilier avec les forces magiques de la nature et les aider à se débarrasser de la religion qui proscrit toute magie. Il voit en Aren la magicienne idéale pour accomplir ce dessein. Il voit aussi en elle une possible compagne qui pourrait assurer une descendance à son peuple disparu. Le Hob saura éveiller en Aren la magie enfouie qui lui permettra de combattre les mercenaires, les spectres, les estorves, les faën, les nouglins, les pikkas ou autre loakal. Jusqu’à l’affrontement avec le grand-mage du baron de Morech, ancien maître des lieux.
Le pacte
Symboliquement, les choses ont le mérite d’être claires. Grâce ou à cause de la magie, Aren perd ses proches, découvre un nouvel ami, se découvre des pouvoirs qu’elle ignorait. Eveil de la magie, éveil des sens, de la sexualité, rupture avec le passé, c’est le fantasme de l’adolescence, dont l’énergie magique est celle du désir et de la vitalité féminine. Cette sensualité naissante était cachée, elle devient visible. Elle fait peur et elle attire. Elle donne du pouvoir sur les hommes (elle ne combat que des mâles) et sur soi (l’attaque de son double loakal). Le roman est d’ailleurs structuré en saisons : le printemps (la fin de la dépendance et la renaissance), l’été (la croissance des pouvoirs et l’exubérance). L’automne n’est traité qu’en trois pages, en forme d’épilogue.
Aren ne choisit pas d’aimer Caëfann. Elle va le chercher pour sauver le village. Il propose un marché (le pacte) : il sauvera les habitants si le Conseil des Anciens lui désigne une compagne. Esseulée, privée de famille, Aren se sacrifie. Elle s’offre au monstre pour protéger sa tribu. Elle tombera peu à peu sous le charme du Hob, des caresses de sa queue (c’est un homme-fauve) et les attentions pénétrantes de celui dont la force physique est supérieure, mais la force magique inférieure à celle d’Aren.
Les romans de Patricia Briggs sont intéressants en ce qu’ils renouvellent toujours sur le fond les vieilles rengaines du genre. Le personnage central est une jeune femme, déjà mariée, dont les pouvoirs naissants sont vécus, autre métaphore sexuelle, comme une tâche. Sans attache, elle décide de défendre ceux qui la rejettent. Elle se lie à un monstre, à la nature (une métaphore biologique) et sa quête est de sauver, contre les démons, la présence des humains dans la montagne. Elle apprécie, chez le Hob, le personnage hors norme, qui l’extrait de sa condition et lui fait tutoyer la magie céleste et l’esprit de la terre. Le Hob est à la fois un magicien, un mentor, un medium de la nature, un garde du corps, un protecteur, un ami et presque un amant. Il soigne les blessures (de la séparation) et parle à la montagne.
D’un thème classique, Patricia Briggs parvient à faire une fiction personnelle, une œuvre intime, où les héros et les démons sont revisités.
Un roman de jouvence qu’on aurait aimé voir grandir par la suite.