Livre
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Spin

Robert Charles Wilson ( Auteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Gilles Goullet (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 28/02/10  -  Livre
ISBN : 9782070407484
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Jerome   - le 31/10/2017

Spin

Robert Charles Wilson est un auteur en vogue en France. Après une première vague de publication dans les années 90 (Mysterium, Vice Versa, Le Vaisseau des voyageurs, Les Fils du vent...), il a été un peu oublié pendant cinq ans avant d'être de nouveau dans la lumière en 2000 avec Darwinia aux éditions Lunes d'Encre. Depuis les nouveautés s'enchaînent avec des traductions régulières dans l'hexagone: BIOS, Blind Lake, Les Chronolithes... autant de romans qui ont quasiment tous été primés aux Etats-Unis. Dernier en date : Spin, prix Hugo 2000, un livre qui selon la quatrième de couverture de l'édition Française de Denoël est le plus ambitieux de Robert Charles Wilson.

Le jour où les étoiles ont disparu

Le jour où les étoiles ont disparu, Tyler et les jumeaux Jason et Diana étaient tous les trois en train de regarder le ciel. Agés de 12 et 13 ans, les trois amis ne savaient pas encore qu'ils étaient à un tournant de leur vie. Quelques mois plus tard ils apprennent comme le monde entier que la Terre est désormais entourée d'une mystérieuse membrane tandis qu'un soleil artificiel fait illusion et permet à la nature de continuer son cycle habituel. Le plus inquiétant c'est que cette membrane a une influence sur le temps. Désormais il s'écoule beaucoup plus vite dans l'univers que sur la Terre. Un décalage qui s'accompagne d'une conséquence terrifiante : pendant que les années s'enchaînent sur Terre, le Soleil vieillit de plusieurs centaines de millénaires, le rapprochant rapidement de son explosion et menaçant la vie sur notre planète à courte échéance : quelques décénnies tout au plus.

Devenu un savant reconnu, Jason ne se lasse pas d'étudier ce phénomène et d'essayer de trouver des solutions tandis que Diane se réfugie elle dans le mysticisme et des groupes religieux parfois extrémistes. De son côté, Tyler reste pour eux l'ami fidèle. Devenu médecin, il est le généraliste de Jase et le confident de Diane. Tout en étant secrètement amoureux de cette dernière...

Ambitieux

Avec Spin, Robert Charles Wilson a choisi de placer sa narration sur deux plans. D'abord un formidable défi intellectuel : le spin justement. L'existence de cette membrane vaut à elle seule le détour, non seulement pour elle-même et le mystère qui l'entoure, mais aussi pour ses conséquences sur l'humanité. Il y a désormais dans l'humanité ceux qui ont connu les étoiles et les autres... Cela change considérablement les choses. Surtout, la certitude d'être condamnés à moyenne échéance, 30 ou 40 ans, modifie évidemment les comportements. La mort n'est pas franchement à la porte mais comment vivre au quotidien dans un monde voué à l'agonie ? Ce n'est pas véritablement le thème majeur de Robert Charles Wilson, il reste dans un registre très intime avec très peu de protagonistes, mais cela transparaît à travers les lignes et dans certains choix des personnages secondaires (et évidemment des principaux).

Le spin est également l'occasion pour l'auteur de multiplier les idées géniales qui vaudraient presque un roman pour chacune d'elles. Difficile d'en dire plus sans dévoiler l'intrigue. Mais certains éléments laissent rêveurs dans le bon sens du terme. On peut quand même évoquer la colonisation de Mars. L'humanité envoie d'abord sur la planète rouge quelques bactéries. En quelques mois, puisque le temps passe beaucoup plus vite à l'extérieur du Spin qu'à l'intérieur, elles se développent pour donner une atmosphère à la planète puis une faune et une flore. Il ne reste plus aux Terriens qu'à y envoyer un groupe de colons qui, quelques années plus tard, deviendront une nouvelle civilisation. Ils auront alors des millénaires pour croître et se développer et trouver une solution à cette membrane qui condamne la Terre.

Voilà l'exemple parfait. L'idée est géniale mais elle arrive et est exploitée sans doute un peu trop vite. Peut-être à ce niveau là peut-on reprocher à Robert Charles Wilson de ne pas en avoir assez fait, de ne pas avoir assez mis en scène ses rebondissements. On imagine que s'il avait voulu délayer un peu, le roman aurait sans doute pris un bon tiers de volume supplémentaire. La concision n'est pas forcément un défaut mais il manque ici un peu plus de suspens ou de mise en valeur de ces rebondissements.

Trois destins liés

Deuxième intrigue, les liens entre le trio de personnages. Le narrateur, Tyler, vit une histoire très forte avec les jumeaux, au point de s'oublier un peu lui-même. Jason est le génie scientifique qu'il admire par-dessus tout. Il est celui qui lui explique le Spin, l'univers et le monde. Tyler est un peu son fidèle compagnon, son point d'appui en tant que médecin personnel et confident. Pour Diane, l'histoire est plus complexe. C'est celle d'un amour qu'on enterre, tous les deux taisant leurs sentiments pendant des décennies. Même si elle continue à lui téléphoner régulièrement en cachette malgré la distance et des choix de vies qui les séparent. Reste à savoir comment ils se retrouveront puisque la deuxième ligne de narration les montre ensemble (avec toujours Tyler comme narrateur). L'histoire de ce trio est en elle-même assez bien vu. Seul petit bémol, Tyler est un peu éffacé. On lui connait dans le roman peu d'amis, peu de maîtresses et finalement assez peu de sentiments en dehors des liens avec Jason et Diane. On aimerait lui trouver un peu plus de force de caractère. Mais peut-être est-ce justement cette proximité du spin qui lui donne cette personnalité très calme et un brin fataliste ? Un détachement qui évite également à Robert Charles Wilson de trop en faire. Il nous épargne la plupart du temps les envolées lyriques et autres mièvreries.

Tout cela fait-il de Spin un bon roman ? Sans aucun doute. Il frôle l'excellence. Méritait-il le prix Hugo ? Difficile à dire. Ce genre de récompense dépend aussi des autres nominés (pour mémoire en 2006, il y avait des romans de Ken MacLeod, George R. R. Martin, John Scalzi et Charles Stross). Il était simplement aux yeux du jury le meilleur de la catégorie. Est-ce un chef d'oeuvre ? Pas tout à fait en raison des petits défauts évoqués plus haut. Voilà néanmoins un roman intelligent et riche. Un indispensable.

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