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Les Manuscrits de Kinnereth

Manchu (Illustrateur de couverture), Frédéric Delmeulle ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/05/10  -  Livre
ISBN : 9782354080693
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stephaneg   - le 31/10/2017

Les Manuscrits de Kinnereth

Frédéric Delmeulle nous avait déjà épatés avec La Parallèle Vertov, premier roman paru aux éditions Mnémos en février 2010. En ce mois de juin paraît le second volet des Naufragés de l'entropie, intitulé Les Manuscrits de Kinnereth, dans lequel nous retrouvons l'élément central du premier roman : le Vertov, sous-marin soviétique réhabilité et customisé en machine à voyager dans le temps.
Précédemment, nous avions suivi Child Kachoudas et son oncle José-Luis de Almédia aux travers des époques, dans une course après les catastrophes temporelles qu'ils avaient provoquées. Dans Les Manuscrits de Kinnereth, les personnages centraux changent, puisque c'est Theodore Masterson, représentant de l'ONU, qui vient chercher Sphinx, l'ex-femme de Kachoudas, afin de lui remettre des manuscrits vieux de deux mille ans, qui pourraient bien avoir été écrits par... Child lui-même ! Accompagnés des proches de l'historienne, un groupe de papys rockeurs ainsi que sa fille, les voilà partis pour la Palestine du Ier siècle, vers un destin historique...

Un roman qui joue avec les canons des genres

Après La Parallèle Vertov, on peut se douter que Les Manuscrits de Kinnereth, sa suite, appartienne au même genre littéraire, à savoir la science-fiction. Pourtant, au début du roman, le lecteur sera en droit de s'interroger. Avec le mystère très vite amené des manuscrits qui dévoilent une vérité inédite sur le Christ, la deuxième réalisation de Frédéric Delmeulle s'apparente à ces thrillers ésotériques dont Dan Brown est le maître. Pourtant, l'auteur s'amuse de ce faux partage de thème puisque « les temps ne sont plus au Da Vinci Code, Dieu merci ! ». Et même si son roman en prend tous les aspects, ce n'est que pour mieux tromper le lecteur. L'écrivain laisse en effet espérer – redouter ? – une révélation christique propre à faire pâlir son homologue américain.
Tout, dans la première partie des Manuscrits de Kinnereth, révèle l'espièglerie de Frédéric Delmeulle, qui s'amuse avec les règles des genres : celui du thriller ésotérique, nous l'avons vu ; celui du roman à caractère historique aussi, avec une mise en abîme du travail de l'historien indépendant, qui œuvre plus souvent au service de l'industrie du divertissement que pour la grandeur de l'Histoire ; celui du récit de voyage temporel, également, puisque comme il l'avait fait dans La Parallèle Vertov, Delmeulle se joue du lecteur et de ses personnages, qui sont menés à travers temps jusqu'à un conclusion inattendue.
En cela, Les Manuscrits de Kinnereth possède de nombreux points communs avec le premier épisode des Naufragés de l'entropie, dont il est – n'en déplaise à l'éditeur qui affirme le contraire – la suite directe. En effet, sans avoir lu le tome 1, il paraît difficile de prendre la pleine mesure du personnage de Child Kachoudas, mais surtout de la machine à voyager dans le temps qui trône sur la couverture et est, sinon au centre du récit, au moins un élément non négligeable du décor.

Mais sinon, est-ce bien ? Est-ce mieux ?

Frédéric Delmeulle, avec son premier roman, n'avait déjà plus grand-chose à prouver en matière de qualité de conteur, soucieux du moindre détail et amoureux des intrigues à tiroir. Attendu au tournant – et avec impatience – avec Les Manuscrits de Kinnereth, l'auteur de La Parallèle Vertov a su relever honrablement le gant. Mécanique de précision comme l'était l'intrigue du précédent, celle de ce livre révèle toute sa quintessence dans ses trente dernières pages, après avoir emmené le lecteur, une nouvelle fois, sur les chemins d'une Histoire revisitée avec un certain réalisme – à défaut d'être véridique. Ainsi, le lecteur pourra-t-il profiter d'une vision intéressante et crédible des apôtres, de la vie de Jésus Christ, de son message avant qu'il ne soit transformé, déformé, corrompu, par les Évangiles, puis par l'Église catholique, au fil des siècles.
Pourtant, tout roman n'est pas sans défaut. Un ramollissement du rythme du récit, dans son milieu, pourra décevoir ; des personnages qui s'en sortent avec (trop) grand mérite dans une langue que plus personne ne parle depuis des siècles ; des révélations finales, qui si elles expliquent tout, ne justifient pas tout à fait certains événements (l'attaque des agents secrets ouzbeks notamment). Mais ces défauts n'empêchent pas le roman, répétons-le, d'être d'une très bonne tenue, confirmant le talent de l'auteur.

Frédéric Delmeulle se place, avec ses deux romans, comme un spécialiste du récit à conclusion inattendue. Mais avec cent pour cent de ses livres dans ce style-là, ne risque-t-il pas d'ennuyer le lecteur ? Déjà, il ne réussit pas, avec Les Manuscrits de Kinnereth à faire mieux que La Parallèle Vertov, même s'il fait aussi bien. Il fait différent, dans le même genre. Avec une fin encore plus étonnante, des personnages bien plus attachants, bien plus authentiques, bien plus au centre du récit ; avec un sous-marin spatio-temporel déplacé au rang d'accessoire ; avec une histoire qui est finalement bien plus science-fictive et moins une suite d'aventures.

Recommandable !

Auteur plus que prometteur, Frédéric Delmeulle a vu paraître, en cette année 2010, deux romans de qualité, surprenants, aux forts accents de littératures populaires que l'auteur s'amuse à honorer. Faisant passer un excellent moment de lecture, Les Manuscrits de Kinnereth est donc un livre qu'on ne peut que recommander.
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