L'Oubli de soi
Après avoir présenté, dans
Rien qu'un souffle, des personnages impliqués dans un complot militaro-industriel et donc politique, Sylvain Cordurié, épaulé par Zivorad Radivojevic – et Axel Gonzalbo –, poursuit le récit de l'aventure de Julian Lethercore. Dans
L'Oubli de soi, la série
O-N-E prend de l'ampleur, ainsi que, il faut bien l'avouer, la complexité de l'histoire racontée au lecteur. De quoi, peut-être, le faire décrocher ?
Tentons de résumer... Dans les années quatre-vingt, la société Pershing a financé, en collaboration avec l'armée américaine, un projet visant à transformer certains soldats en véritables poches à transfusion sanguine. Le projet Poche, finalement, fut un fiasco, jusqu'à ce que certains soldats développent un comportement particulier. En les étudiants, la Pershing Inc. réussit à créer des agents aux capacités très particulières. Les pensanguins, au nombre de cinq, se révélèrent capable de lire les pensées d'autrui, en entrant en contact de leur salive ou d'autre liquide organique vaporisé.
Or, depuis, le sénateur Pershing a été mis sur la touche par le nouveau président Harmond. Il ne peut plus espionner l'administration présidentielle et l'influencer, alors que le nouveau gouvernement américain semble avoir des motivations n'allant pas dans le sens du bien de la Nation. Il a donc décidé d'utiliser un de ses pensanguins pour en savoir plus. Malheureusement, l'agent chargé d'approcher l'entourage du Président a disparu. Julian Lethercore, autre pensanguin, a été chargé de reprendre l'enquête, tandis qu'Harmond organise l'élimination de tous ceux qui ont participé au projet Poche...
Ça se complique Si le premier tome des séries de bandes dessinées plongent bien souvent le lecteur dans la confusion, les auteurs se rattrapent dans le second album, afin d'éclaircir l'univers, les personnages, l'intrigue,
et cætera. Il en est tout autre avec
O-N-E, son premier opus fournissant les informations de bases du complot dans lequel nous plongeaient Cordurié et Radivojevic, et son deuxième corsant quelque peu l'intrigue. Car dans
L'Oubli de soi, Julian Lethercore est plongé au cœur des intrigues politico-financières et des manipulations du sénateur Pershing et du président Harmond. Les nombreux personnages qui interviennent forment un ballet duquel ne ressort pas de figures nettes. Le lecteur, il faut bien le dire, s'y perd un peu, ne comprenant pas tout à fait, à la fin de ce second album, où veulent en venir les auteurs. Il y a donc du suspense, et en cela Cordurié et Radivojevic atteignent-ils le but qu'ils se sont sans nul doute fixé, mais le lecteur, lui, se retrouve un peu à la traîne en se disant – en espérant – que la bobine de fils va se démêler à un moment ou à un autre. Dans le troisième tome ?
Au moins, le lecteur ne s'ennuie-t-il pas en lisant
L'Oubli de soi, pas plus qu'il ne l'avait fait avec
Rien qu'un souffle. Le personnage de Julian Lethercore est suffisamment obscur pour être intéressant et certains protagonistes secondaires dévoilent une ambivalence qui pimente le récit. D'autres, par contre, déçoivent, telle Kate Cliffbridge dont le côté femme fatale frise la caricature.
Toutefois, le travail sur les personnages est saisissant et tient pour beaucoup dans l'attraction de la bande dessinée sur un lecteur qui peut-être, sinon, ne chercherait pas à se raccrocher aux wagons. Zivorad Radivojevic produit pour sa part un travail d'une qualité appréciable, réaliste et à la hauteur de celui du premier tome. De temps en temps, ses personnages tendent toutefois à se ressembler, ce qui n'aide pas le lecteur à tout saisir du premier coup et ses planches sont sur-découpées, mais le résultat global est appréciable. Quant à la mise en couleur, elle est réussie.
L'Oubli de soi complète donc une série qui laisse encore le lecteur dubitatif, mais sans l'empêcher d'espérer une suite explosive et saisissante... ou craindre un énorme raté.