La Mélodie du bonheur
Philippe Nihoul et Xavier Lemmens n'en sont pas à leur coup d'essai ensemble. Nés respectivement en 1980 et en 1963, ils ont signé les deux tomes de Commando Torquemada, le premier au scénario, le deuxième au dessin. Tous les deux ont collaboré au Journal de Spirou.
Une vie en noir et quelques loisirs en gris
Ethan Fargo a connu un grand drame qui l'a laissé seul à Brooklyn. Sa vie est désormais morne et triste. Les comédies musicales qu'il loue sont son seul loisir. Tout bascule lorsqu'un soir il a le malheur de se retrouver pris dans un hold up chez son vidéo-club habituel. Il en ressort à peu près sain et sauf mais se trompe de film en repartant. À la place d'une inoffensive comédie musicale se trouve un snuff movie mettant en scène la torture d'une jeune femme jusqu'à sa mort. Alors qu'il se prépare à aller rendre la cassette, les gérants du vidéo-club l'attendent à la sortie de chez lui. Et malheureusement, la rencontre tourne mal...
Horreur et humour noir
Snuff est l'une de ces histoires où le héros déjà malmené par la vie tombe dans une spirale infernale. Comme si son enfer personnel ne suffisait pas, Ethan va devoir se sortir d'une affaire plutôt sale et glauque. Mais si le sujet est grave, les snuff movies et leurs horreurs, son humour noir (et les dessins de Xavier Lemmens) permet d'alléger l'ambiance qui pourrait sans cela être pesante. Il possède un flegme et un sens de la répartie cynique et désabusé qui contrastent avec sa situation personnelle dramatique et qui constitue l'un des atouts majeurs de cette histoire plutôt étonnante par ses rebondissements.
Côté dessin, le trait et les couleurs de Xavier Lemmens sont plutôt surprenants. Il alterne les planches en noir et blanc avec seulement quelques éléments colorés et les planches avec de grandes dominantes d'orange ou de jaune pastel. Il ne s'embarrasse guère de détails, préférant concentrer ses cases sur l'action et l'attitude des personnages. La couleur est d'ailleurs souvent là pour souligner les mouvements ou les éléments troublants. Si cela peut sembler austère au premier abord, cette économie de moyens apparente (mais seulement apparente, Xavier Lemmens maîtrise parfaitement son sujet) sert à merveille cette histoire. Tout comme le scénario, son dessin oscille entre le noir et l'humour, notamment par le biais des traits de ses personnages, merveilleusement expressif, avec en prime quelques références (notamment un tueur qui semble sortir tout droit de Pulp Fiction). Au final, on a dans les mains une bonne bande dessinée, prenante et intrigante, qu'on lit avec plaisir. Vivement la suite.