Le Don
Massimo Carnevale est un dessinateur reconnu en Italie. Il a en particulier été remarqué pour ses couvertures d'albums. Lorenzo Bartoli assure lui le scénario de cette histoire qui se situe bien loin des albums de Monster Allergy auxquels il a collaboré.
Un pouvoir... et une malédiction
Éric est un homme sans passé, incapable d'envisager l'avenir. Il erre dans un monde de poubelles et de ruelles sordides, au milieu desquelles il traîne sa solitude.
Il est le dépositaire d'un don, un pouvoir qui lui permet de ressentir le passé des gens ou des objets. Il peut revivre des histoires proches ou lointaines, des meurtres, des viols ou des vies entières. Il s'en imprègne au point de les appréhender comme s'il avait lui-même vécu les scènes.
Mais en contrepartie, il n'a plus de mémoire propre. Il ne sait plus qui il a été, ce qu'il a fait, pourquoi il est là. Il est condamné à se souvenir par procuration.
Un livre hors du commun
Au premier abord, ce volume a tout pour rebuter le lecteur de bandes dessinées "standard". De la mise en page déstructurée au dessin flou et morbide, il donne envie de le refermer dès la seconde page. Puis, si l'on continue... il accroche, nous pénètre et l'on se prend à suivre avec angoisse et passion les aventures de cet homme désespéré.
Finalement, le dessin ne pose très vite plus de problèmes. Il est tellement proche de l'histoire, l'amplifiant en feedback pour mieux faire transparaître les horreurs que croise Éric. Si l'on exclut la scène de fin, qui n'a que peu de rapport avec le reste du texte, il y a une excellente tenue dans cet album, une force narratrice et graphique qui accapare le lecteur.
Découpé en courts chapitres indépendants, l'aventure nous plonge dans des univers chaque fois différents, mais toujours sombres et dramatiques. Se servant d'objets, d'êtres vivants, de peinture ou même de musique, les auteurs nous dépeignent un monde noir, intransigeant, dans lequel il ne fait pas bon vivre... dans lequel la mémoire est peut-être une tare lourde à porter.
Le dessinateur a su rendre évidents les tourments du héros, mais aussi les univers qu'il traverse. En particulier, le chapitre sur Van Gogh est un bijou de travail sur l'œuvre de l'artiste, se servant de l'art même du maître pour en décrire la vie.
Bref, un album à lire.