Alors que trois ans séparaient les tomes 2 et 3 de
Salvatore, Nicolas de Crécy (
Le Bibendum céleste,
Période glaciaire,
Léon la came…) n’a pas mis un an à réaliser le quatrième,
Retour à Brest. Il y poursuit le voyage du chien Salvatore – et de son minuscule assistant humain – pour rejoindre Julie, l’amour de sa vie.
Marche arrière Salvatore fait escale à Vienne pour y déposer l’auto-stoppeuse qu’il a embarquée en chemin dans sa voiture géante. Les charmes de la demoiselle le tourmentent, il a peur que son cœur n’oublie Julie. Il se met alors à tenir un journal intime. Après avoir quitté Vienne, il décide d’abandonner son idée de gagner l’Amérique du Sud par l’est, et rebrousse chemin vers Brest afin de traverser l’océan Atlantique.
En parallèle, la truie Amandine poursuit la recherche de son cochonnet disparu, François. Elle est aidée par un détective privé qui la mène sur la piste d’une secte gothique. Pendant ce temps, les douze autres fils d’Amandine font des affaires en montant des escroqueries autour de l’alimentation biologique.
Des personnages toujours aussi fantasques et une intrigue ralentie Le
précédent tome de
Salvatore prenait un tournant nettement social, notamment au travers de la situation d’Amandine, galérant pour trouver un boulot et élever ses enfants. Nicolas de Crécy poursuit un peu dans la même veine, même si elle est moins marquée dans ce quatrième opus. Il montre comment la société pousse à la débrouille et à l’escroquerie, et en profite pour égratigner les modes « bio » et « écolo », que l’hypocrisie commerciale détourne au profit d’un mercantilisme sans scrupule. Il accentue ainsi les traits malsains de notre société et creuse les rapports déséquilibrés entre patrons et travailleurs, sans toutefois tomber dans le militantisme aveugle.
Car de Crécy n’oublie pas de recouvrir tout cela d’une couche d’humour. Quelques petites piques bien d’actualité (par exemple sur le port de la burqa) agrémentent l’album. Il introduit par ailleurs un nouveau personnage entraperçu dans le tome 3, le détective privé, dont la personnalité fantasque est d’emblée attachante : accroc au mystère, il voit des complots partout, collectionne des preuves de tout et n’importe quoi dans l’éventualité d’une future enquête. Ce petit côté doux-dingue s’ajoute aux personnalités d’Amandine et de Salvatore qui fricotaient déjà allègrement avec l’absurde.
Salvatore continue d’ailleurs d’en prendre pour son grade. De Crécy est à son encontre plutôt inexorable : dès que l’on commence à trouver le chien mécanicien touchant, il en remet une couche sur sa moralité et son intégrité douteuses, sa corruptibilité et sa malhonnêteté vis-à-vis des autres et surtout de lui-même. Car Salvatore se ment en permanence, presque inconsciemment. Malgré l’expérience de plus en plus réelle de l’impermanence de l’amour et de l’évanescence des sentiments, il ne se départit pas de son romantisme de comptoir. Ce qui en fait un personnage particulièrement complexe et à la psychologie intrigante.
Au-delà de ça, l’intrigue de
Retour à Brest est légèrement plus lente et moins fournie que dans les albums précédents. L’histoire avance assez peu. Le dessin reste quant à lui d’une qualité admirable. On espère que le prochain tome, qui verra peut-être Salvatore gagner enfin les Amériques, sera un peu plus dynamique.