La Faune de l'espace
Alfred Elton Van Vogt fait parti des monstres sacrés de la science-fiction. Il est né en 1912 au Canada et mort en l'an 2000. On lui doit notamment le cycle du monde des non-A, Créateurs d'Univers et A la poursuite des Slans. Sa science-fiction développe des thèmes très divers et comporte bien souvent une dimension philosophique. La Faune de l'espace est le fruit du regroupement de quatre nouvelles de Van Vogt écrites entre 1939 et 1950.
Il était un petit navire...
A bord du Fureteur, une communauté de scientifiques a entrepris un long périple destiné à étudier toute forme de vie rencontrée au cours de son voyage. Mais l'exploration spatiale n'est pas sans danger. La rencontre de races extra-terrestres toujours plus dangereuses cause de nombreux dommages et suscite bien des tensions entre les membres de l'équipage. Parmi tous ces savants, Elliott Grosvenor, l'unique représentant d'une jeune science appelée Nexialisme, tente de démontrer les avantages de sa discipline et de s'imposer face aux autres savants.
La taxinomie stellaire de Van Vogt
Le titre du livre, La Faune de l'espace, sonne comme une taxinomie stellaire donnant à voir un bestiaire plus ou moins effrayant comme autant de rencontres du troisième type. L'histoire se construit autour de quatre rencontres avec des créatures, chacune représentant un danger et un défi grandissant pour les équipes de savants du Fureteur. Il faut d'ailleurs avouer qu'il y a un côté jouissif à découvrir les dégâts causés par les créatures dans le vaisseau et les plans élaborés pour les contrer.
Mais Van Vogt adopte, à plusieurs reprises, le point de vue des créatures rencontrées pour dérouler son intrigue, ce qui contribue à les étoffer et à les humaniser dans la mesure où elles se révèlent poursuivre des buts élaborés.
Et en parallèle à ces rencontres, le roman dispose d'un second ressort dramatique à travers les agissements des hommes du Fureteur et la lutte que mène Grosvenor contre d'autres savants de la mission. Or ce qui commence comme une querelle scientifique débouche finalement sur une opposition réellement dangereuse, engageant l'ensemble de la mission.
Tout le talent de Van Vogt tient alors dans cette impression qu'une cinquième créature s'est glissée dans cette faune de l'espace... Nous.
Charles Darwin et le Nexialisme
Dans sa version anglaise, le Fureteur se nomme le Space Beagle, or le Beagle est le nom du navire qui emporta le naturaliste Charles Darwin dans son voyage qui lui inspira son Origine des espèces. Ce détail transforme les scientifiques du Fureteur en descendants de l'illustre savant et le roman acquiert alors un second niveau de lecture.
En effet, la science créée par Van Vogt dans cet ouvrage, le nexialisme, repose sur l'idée que la prochaine phase de développement intellectuel de l'humanité passera par l'intégration de toutes les sciences en une seule qui les engloberait toutes et permettrait de relever des défis autrement insurmontables. Ainsi, Grosvenor, apôtre de cette discipline, apparaît-il comme le prochain stade de l'évolution humaine et agit de façon déterminante dans la résolution de toutes les difficultés du voyage.
Mais au-delà des espoirs de Van Vogt de voir l'humanité progresser dans le domaine scientifique, il laisse aussi transparaître les dangers associés à toute idéologie totalisante. De fait, le roman s'achève sur une prise de pouvoir ouvertement anti-démocratique, pour le bien de notre galaxie, mais qui laisse songeur quant à la portée d'une discipline qui se déclarerait détentrice de la Vérité et qui ne se nourrirait pas de la diversité de ses pratiquants.
La Faune de l'espace a certes un peu vieilli mais Van Vogt, de sa prose fluide et posée, nous fait vivre des grandes aventures et suscite toujours ces réflexions intemporelles qui font les grands livres de science-fiction.